tout ce qui est réel est fabulatoire, tout ce qui est fabulatoire est réel, mais il faut savoir choisir ses fabulations et éviter les hallucinations.

dimanche, juillet 28, 2019

Hygiène de la philosophie










https://artphilosophique.blogspot.com/2019/07/pour-une-table-rase-philosophique.html

mercredi, juillet 17, 2019

Pour une table rase philosophique


Il est difficile de prétendre ignorer l'histoire et les grands textes de la philosophie pour s'y engager à son tour comme sur un terrain à défricher. Je n'aurais pas cette naïveté. Mais j'ai fait aussi l'expérience assidue de centaines de lectures considérées comme majeures parmi lesquelles tout nouveau philosophe se trouve inéluctablement appelé à choisir les fondements de sa propre voie. La pression est si grande qu'elle semble naturelle. Et de fait, chacun se constitue un panier de quelques idées fondamentales, marxistes, structuralistes, phénoménologiques ou autres, comme des pierres qu'il mêle au mur de base de sa propre construction, s'il y prétend. 
J'ai moi-même ainsi retenu des lectures choisies de Confucius, Spinoza, Schopenhauer, Nietzsche, Sartre dont le granit m'a semblé consistant. 
Mais force est aussi de constater que ce patchwork philosophique avec lequel on s'arrange pour concevoir une tourelle, un couloir, un étage, quelques salles où se sentir en bon accord, ne permettent pas d'échapper au malaise philosophique. Ce sont des arrangements dont on se réclame, non sans un certain plaisir de lucidité, mais en gardant pleinement conscience du non aboutissement de l'élan de liberté de penser qui nous habite. Tous ces charabias subtils, ces jeux de langage érudits, dans lesquels se perdre comme dans des sables mouvants, qui ont souvent constitué les systèmes sophistiqués de pièges de ces grands philosophes, ont certes généré de savantes thèses, des vocations et des carrières universitaires. Ils ont été aussi des enjeux de pouvoir institutionnels et éditoriaux, auxquels les esprits libres ont rarement eu la force de résister. Je me suis senti bien seul à Normale Sup pour rejeter les terrorismes d'Althusser, Derrida, Lacan, le pouvoir des structuralistes et des linguistes qui m'auraient les uns comme les autres castré. Et cela m'a valu d'être mis à la porte de cette grande institution, dont Jean Giraudoux écrivit un jour: "Si l'École Normale Supérieure est une des rares écoles de l'État dont les élèves soient en civil, elle passe cependant pour leur donner un uniforme à vie, qui est l'esprit normalien."*
Claude Monet rêvait de pouvoir fermer les yeux sur le réel,  pour les réouvrir innocemment, dans un état premier, libéré de toute habitude visuelle et pression culturelle, et ainsi retrouver une vision originelle de la nature.
Je n'éprouve pas d'autre désir que lui du point de vue philosophique. Toute idée de réunir à ma manière les idées connues auxquelles j'adhère le moins mal,  pour ajouter mes propres éléments de maçonnerie, me semble médiocre, comme un pis-aller, sans conviction profonde. 
Et de même que j'ai ressenti au début des années 1970 la nécessité d'une "hygiène de l'art"  qui s'est traduite par "la déchirure des oeuvres d'art" pour instaurer ma propre liberté de pensée et de création, de même, aujourd'hui, j'éprouve la nécessité de refonder ma liberté philosophique, libre des idées qui mont précédé, pour penser notre rapport au monde sur de nouvelles bases, qui me semblent n'avoir jamais été considérées avec détermination par mes prédécesseurs. 
Repoussant toute approche idéaliste, matérialiste, structuraliste ou autre, je choisis mes pierres de fondation, que j'appelle mes postulats d'évidence personnelle:

Tout ce qui est réel est fabulatrice. Tout ce qui est fabulatoire est réel.
Le monde n'est pas une représentation, mais une fabulation.
La gestation de cette fabulation est biologique.
Je ne peux cependant nier la réalité du monde dans lequel je suis immergé: la souffrance et l'éthique planétaire m'obligent à en constater la dure réalité et à m'y engager, non pas comme un rêveur, mais comme un homme d'action. 

Je ne dis pas que je ne retrouve pas sur mon chemin des idées de Confucius, de Spinoza, de Schopenhauer, de Nietzsche, qui m'ont séduit par le passé, mais ce sont des rencontres transversales qui me rassurent. Je ne marche pas dans leurs pas. Eux-mêmes n'ont-ils pas été des philosophes conscients de leur lucidité? 
Comment oser philosopher sans cette liberté, aussi naïve puisse-t-elle être, aussi illusoire que le voeu de Monet, ou que ma déclaration d'hygiène de l'art de 1971, mais qui me permit d'avancer dans ma propre création?
C'est bien ainsi que j'ai été capable de prétendre peu à peu, depuis 50 ans maintenant, avec trop de timidité intellectuelle face à l'indifférence ou au rejet des institutions universitaires et éditoriales, je me le reproche aujourd'hui, que la mythanalyse serait mon chemin, aussi naïf qu'il ait pu paraître aux autres et évident à moi-même.
Le temps est donc venu, avec l'âge, de parachever cet édifice lentement construit et d'en charpenter la toiture. Après la publication de L'Âge de l'humanisme, qui va en exposer la morale planétaire - son engagement le plus important - je dois donc m'y consacrer le plus obstinément, c'est à dire avec mon énergie la plus résolue.

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* Jean Giraudoux, Oeuvres littéraires diverses, Grasset, 1958, p.537.

Pour une table rase philosophique

Il est difficile de prétendre ignorer l'histoire et les grands textes de la philosophie pour s'y engager à son tour comme sur un terrain à défricher. Je n'aurais pas cette naïveté. Mais j'ai fait aussi l'expérience assidue de centaines de lectures considérées comme majeures parmi lesquelles tout nouveau philosophe se trouve inéluctablement appelé à choisir les fondements de sa propre voie. La pression est si grande qu'elle semble naturelle. Et de fait, chacun se constitue un panier de quelques idées fondamentales, marxistes, structuralistes, phénoménologiques ou autres, comme des pierres qu'il mêle au mur de base de sa propre construction, s'il y prétend. 
J'ai moi-même ainsi retenu des lectures choisies de Confucius, Spinoza, Schopenhauer, Nietzsche, Sartre dont le granit m'a semblé consistant. 
Mais force est aussi de constater que ce patchwork philosophique avec lequel on s'arrange pour concevoir une tourelle, un couloir, un étage, quelques salles où se sentir en bon accord, ne permettent pas d'échapper au malaise philosophique. Ce sont des arrangements dont on se réclame, non sans un certain plaisir de lucidité, mais en gardant pleinement conscience du non aboutissement de l'élan de liberté de penser qui nous habite. Tous ces charabias subtils, ces jeux de langage érudits, dans lesquels se perdre comme dans des sables mouvants, qui ont souvent constitué les systèmes sophistiqués de pièges de ces grands philosophes, ont certes généré de savantes thèses, des vocations et des carrières universitaires. Ils ont été aussi des enjeux de pouvoir institutionnels et éditoriaux, auxquels les esprits libres ont rarement eu la force de résister. Je me suis senti bien seul à Normale Sup pour rejeter les terrorismes d'Althusser, Derrida, Lacan, le pouvoir des structuralistes et des linguistes qui m'auraient les uns comme les autres castré. Et cela m'a valu d'être mis à la porte de cette grande institution, dont Jean Giraudoux écrivit un jour: "Si l'École Normale Supérieure est une des rares écoles de l'État dont les élèves soient en civil, elle passe cependant pour leur donner un uniforme à vie, qui est l'esprit normalien."*
Claude Monet rêvait de pouvoir fermer les yeux sur le réel,  pour les réouvrir innocemment, dans un état premier, libéré de toute habitude visuelle et pression culturelle, et ainsi retrouver une vision originelle de la nature.
Je n'éprouve pas d'autre désir que lui du point de vue philosophique. Toute idée de réunir à ma manière les idées connues auxquelles j'adhère le moins mal,  pour ajouter mes propres éléments de maçonnerie, me semble médiocre, comme un pis-aller, sans conviction profonde. 
Et de même que j'ai ressenti au début des années 1970 la nécessité d'une "hygiène de l'art"  qui s'est traduite par "la déchirure des oeuvres d'art" pour instaurer ma propre liberté de pensée et de création, de même, aujourd'hui, j'éprouve la nécessité de refonder ma liberté philosophique, libre des idées qui mont précédé, pour penser notre rapport au monde sur de nouvelles bases, qui me semblent n'avoir jamais été considérées avec détermination par mes prédécesseurs. 
Repoussant toute approche idéaliste, matérialiste, structuraliste ou autre, je choisis mes pierres de fondation, que j'appelle mes postulats d'évidence personnelle:

Tout ce qui est réel est fabulatrice. Tout ce qui est fabulatoire est réel.
Le monde n'est pas une représentation, mais une fabulation.
La gestation de cette fabulation est biologique.
Je ne peux cependant nier la réalité du monde dans lequel je suis immergé: la souffrance et l'éthique planétaire m'obligent à en constater la dure réalité et à m'y engager, non pas comme un rêveur, mais comme un homme d'action. 

Je ne dis pas que je ne retrouve pas sur mon chemin des idées de Confucius, de Spinoza, de Schopenhauer, de Nietzsche, qui m'ont séduit par le passé, mais ce sont des rencontres transversales qui me rassurent. Je ne marche pas dans leurs pas. Eux-mêmes n'ont-ils pas été des philosophes conscients de leur lucidité? 
Comment oser philosopher sans cette liberté, aussi naïve puisse-t-elle être, aussi illusoire que le voeu de Monet, ou que ma déclaration d'hygiène de l'art de 1971, mais qui me permit d'avancer dans ma propre création?
C'est bien ainsi que j'ai été capable de prétendre peu à peu, depuis 50 ans maintenant, avec trop de timidité intellectuelle face à l'indifférence ou au rejet des institutions universitaires et éditoriales, je me le reproche aujourd'hui, que la mythanalyse serait mon chemin, aussi naïf qu'il ait pu paraître aux autres et évident à moi-même.
Le temps est donc venu, avec l'âge, de parachever cet édifice lentement construit et d'en charpenter la toiture. Après la publication de L'Âge de l'humanisme, qui va en exposer la morale planétaire - son engagement le plus important - je dois donc m'y consacrer le plus obstinément, c'est à dire avec mon énergie la plus résolue.

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* Jean Giraudoux, Oeuvres littéraires diverses, Grasset, 1958, p.537.