L'Histoire de l'art est terminée, performance, Centre Pompidou, 15 février 1979
Le mythe art
comme art de la représentation du monde
Me
voilà donc engagé dans une entreprise artistique, celle de choisir, à partir de
la valeur vie, une représentation du monde en accord avec cette valeur, qui donne
un sens à la vie (une direction) et fonde une éthique.
Il
s'agit donc bien, et ce fut toujours la fonction mythique de l'art, que l'artiste
peigne, cisèle, dessine, écrive une représentation du monde. Nous avons besoin
d'images visuelles, poétiques du monde. Ces images, il est vrai, nous sont
aussi proposées par les sciences, par l'histoire, par la politique, par la
religion.
Aujourd'hui,
l'artiste est confronté à une urgence : celle de réinventer une représentation
du monde, alors que les conceptions précédentes (religieuse, historique,
scientiste) ne paraissent plus satisfaisantes.
Nous
devons donc inventer une nouvelle image de la vie, élever la vie au rang de
déesse-mère, reconsidérer le culte de la nature, réinventer un temps social
cyclique lié aux saisons, écrire et prêcher une éthique du respect sacré de la
vie, ou imaginer des représentations et des rites tout à fait nouveaux plutôt
que de restaurer des conceptions anciennes de la vie, je veux dire des représentations
qui tiennent compte de l'état actuel des sciences, de la sensibilité urbaine
contemporaine, de la technologie et de la communication électronique. Cela
n'est certes pas facile, mais ce sera la tâche des artistes, s'ils en sont
capables.
Cela
suppose que le mythe art parle le langage actuel du mythe de la vie, de la
nature, au lieu de s'enfermer dans la scolastique critique ou négative de l'avant-garde
moderne, qu'il parle de la vie et non pas de lui-même, qu'il se situe dans la
dimension mythique du présent a-historique
et non pas dans la linéarité historique de la succession, dans l'attention
perceptive à la nature et non pas dans le concept théorique, dans le culte
éthique de la vie et non pas dans
l'obsession de la mort. Et s'il va au musée, que ce soit pour le métamorphoser
en temple de la vie.