I - Le capitalisme consensuel de la Réforme
La religion de l'argent a d'abord été étroitement associée à celle de Dieu, comme l'a montré Max Weber dans L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme. C'est donc à Max Weber que l'on pense d'abord dans toute tentative de construire une mythanalyse du capitalisme. Dans la période de crise actuelle , où l'on accuse la cupidité "honteuse" des financiers et des entrepreneurs nord-américains, il est bon de rappeler cette affirmation de Max Weber dans l'avant-propos de son livre: "L'avidité du gain sans limite n'implique en rien le capitalisme, bien moins encore son esprit. Le capitalisme s'identifierait plutôt à la domination, à tout le moins à la modération rationalisée de cette pulsion irrationnelle". Et il souligne que ce capitalisme repose sur une attitude pacifiste favorisant les échanges, plutôt que sur la conquête, l'exploitation, le cynisme et la violence. Il souligne que c'est son éthique qui a d'abord fondé son succès. La violence, que seul l'État peut légitimement exercer, ne peut être employée que pour défendre Dieu, comme dans l'islam, ce qui justifie les guerres de religion.
Mais il faut distinguer le capitalisme anglo-saxon, d'origine protestante et son adaptation catholique, plus tardive. Certes, tous deux se réclament de la liberté d'entreprendre et de la création de la richesse, supposée être la clé de tous nos projets. Né avec la montée de la bourgeoisie postrévolutionnaire et saint-simonienne, le capitalisme s'accorda d'abord mal avec le catholicisme, qui prétendait mépriser l'argent et cultivait l'oisiveté aristocratique. Alors que dans l'esprit du capitalisme inspiré par la Réforme, c'est au contraire le travail qui est créateur d'argent et de progrès. Autrement dit, le capitalisme de la Réforme est plus proche du mythe grec de Prométhée fabricateur, travailleur et entreprenant que le capitalisme catholique. Le capitalisme anglosaxon est pieux et légitimé par dieu. Il n'en est rien du capitalisme de l'Europe occidentale catholique. Et c'est cette différence, qui a donné lieu à un décalage historique et de performance entre le capitalisme catholique et le capitalisme protestant que nous étudierons d'abord dans notre prochain texte.
Hervé Fischer
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* Max Weber L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme, 1905.