Le stade chaotique, peinture électronique, 2014
Le fœtus, lorsqu'il est accouché, quitte l'utérus maternel où il s'est développé en sécurité et qui a sans doute été un environnement doux et nourricier - du moins, c'est ce qu'on en prétend après coup -, et ce moment s'impose comme un arrachement douloureux qui peut évoquer l'expulsion du paradis terrestre. C'est le début de ce que j'appelle le stade chaotique du fœtus : une expérience confuse et redoutable de la naissance du chaos qui l'assaille et qui semble menacer sa vie. Les experts postulent qu'il ne distingue pas encore son corps de ce chaos naissant et il est donc soumis à un ensemble de sensations et d'anxiétés intenses, qu'il interprète selon des fabulations émotives de frayeur, qui demeureront inscrites dans sa mémoire originelle du monde qui vient à lui.
Ce stade chaotique, celui de l'angoisse existentielle première, se retrouve dans la plupart des mythologies anciennes, et se répète avec chaque accouchement, aujourd'hui comme toujours. Il faudra des mois pour que l'infans construise un cosmos apaisé et repousse la confusion de cette première étape. Mais cette angoisse resurgira à toute occasion anxiogène de la vie infantile puis adulte. Les figures de cette noirceur, et le désordre de ces fabulations confuses s'incarneront dans les récits de démons, d'apocalypses et autres grandes peurs de la vie individuelle et collective, jusque dans l'inconscient social actuel.