tout ce qui est réel est fabulatoire, tout ce qui est fabulatoire est réel, mais il faut savoir choisir ses fabulations et éviter les hallucinations.

dimanche, avril 28, 2013

Les débuts de la mythanalyse, 1979 (5)

L'avant-garde en gare terminus des Brotteaux, performance, avril 1979. (Cette gare est située à Lyon, France)


Questions ouvertes

Peu importe qu'on appelle cet art post-historique ou méta-art ou mythe-art, car nous revenons, après la valse des étiquettes avant-gardistes, à la fonction permanente de l'art. Nous avons poursuivi dans ce livre un développement nécessaire de l'art sociologique et nous demeurons convaincus de la nécessité de cette dimension collective et communicative de l'art, à l'encontre des subjectivismes et individualismes exacerbés des dernières décades.
L'histoire de l'art est terminée comme histoire de la nouveauté, mais non comme réflexion et production socio-analytique. Le temps des mythes n'est pas le temps historique, mais la répétition et ses métamorphoses ont une chronologie possible. Le sens n'est pas dans la chronologie, bien plutôt dans la découverte impossible de l'identique, à travers les changements de l'apparence.
Lors d'une performance où nous avons en forme de provocation déclaré la fin de l'histoire de l'art, on nous a posé cette question : comment penser hors des cadres historiques de la conscience ? Notre idée n'est pas de supprimer l'histoire, comme chacun, chaque famille en a une, mais l'Histoire, celle qui ne se conçoit que comme une Fin, un but final (*) avec une succession linéaire (1). Notre projet, c'est de redécouvrir les valeurs éthiques et perceptives du temps présent et de la vie.
La nature, au moment où nous semblons la quitter pour développer nos mégapoles artificielles, devient objet de contemplation.
Fuyons l'Absolu, l'Histoire, Dieu et ses prophètes et même l'Homme, mais adorons la vie, c'est le moindre mal et la plus sûre garantie de survie, c'est la religion et l'éthique la plus nécessaire et la moins dangereuse que nous puissions adopter.
Mais pourquoi Freud s'en tient-il, et les psychanalystes après lui, au phallus, à la haine du père et au désir incestueux de la mère ? Pourquoi, selon lui, la petite fille n'est-elle qu'un mâle castré ? Pourquoi la mère n'interdit-elle pas à la petite fille le désir sexuel du père ? Pourquoi l'interdiction est-elle liée au père, et non à la mère, dans l'idéologie freudienne ? Ne naît-il pas autant de filles que de garçons ? Le problème est sans doute qu'il ne naît pas de pères ni de mères.
Si l'évolution sociale substituait un jour le matriarcat au patriarcat et le pouvoir des femmes à l'idéologie phallocratique, n'est-ce pas toute notre représentation du monde qui en serait changée ?
N'est-ce pas le père qui deviendrait objet central du désir incestueux ?
Peut-être alors au lieu de connaître le droit, l'homme connaîtrait-il la vie ? Il ne perdrait pas au change!
Et ce que nous appelons aujourd'hui le Droit (droit comme le phallus) s'appellerait le Rond ou le Creux ? Le temps linéaire de l'histoire deviendrait un temps rond, un temps ouvert ? On dit bien un moment « creux », mais pour signifier qu'il est vacant, qu'on ne sait pas le remplir, qu'on ne sait pas le vivre!
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*« L'histoire ne se définit que par une fin », souligne Henri Lefebvre, La fin de l'histoire,
éd. de Minuit, Paris, 1970.
(1) Aujourd’hui, en 2013,  je vois bien qu’en 1979 j’étais influencé dans ces propos par l’émergence du postmodernisme. Cette performance dans une gare terminus est à comparer avec celle de Dali dans la gare de Perpignan, qu'il avait déclaré en 1965 le "centre du monde"

Hervé Fischer.
Paris, février 1979.