tout ce qui est réel est fabulatoire, tout ce qui est fabulatoire est réel, mais il faut savoir choisir ses fabulations et éviter les hallucinations.

lundi, juin 18, 2018

Dé-idéaliser la pensée



En Occident, l'idéalisme, d'origine magique, religieuse et platonicienne, est devenu notre seconde nature. Nous avons tellement pris l'habitude de prendre les mots pour des "essences", de nous référer à des êtres supérieurs, des dieux, des vérités éternelles, des archétypes, que même Marx demeurait idéaliste lorsqu'il parlait de l'art. L'idéalisme est une aliénation terriblement ancrée en nous, dont nous peinons à nous libérer.
Quand admettrons-nous que les mots ne sont que des métaphores issus de nos fabulations, notre logique des habitudes et des liens familiaux transposés en rationalisme?
Reconstruire une pensée, un langage matérislistes, démystifier notre logique ,se présentent comme un défi inaccessible. Je me surprends moi-même constamment, malgré ma volonté d'adopter une attitude mentale matérialiste, à employer des figures de pensée idéaliste. Bien que je postule avec insistance que la mythanalyse est matérialiste, une théorie biologique et constructiviste du développement de nos facultés fabulatoires, je cherche constamment à élucider nos processus inconscients. Comme si la lumière était la vérité. J'emploie manifestement ainsi une métaphore religieuse! Je l'emploie parce que je lui trouve la vertu d'être claire! Et donc compréhensible pour tous. C'est tomber une deuxième fois dans la pensée idéaliste et la partager avec mes lecteurs ou auditeurs. Le mot tomber lui-même n'évoque-t-il pas la chute de l'ange ? Comment me sortir de cette configuration idéaliste héritée de mon histoire occidentale et qui devenue une pensée convenue, stéréotypée ? La pensée chinoise m'offrirait-elle une porte de sortie? Je ne connais pas assez cette langue pour l'affirmer. Je devrai consulter des experts. Mais d'avance je ne doute pas que le chinois repose sur d'autres métaphores, sans doute aussi aliénantes, pour asseoir ses vérités. Pour libérer notre pensée (ce qui est impossible), nous ne pouvons qu'opposer des métaphores à d'autres métaphores, donc des mythes à d'autres mythes. C'est ainsi que le mythanalyste peut développer une combinatoire mentale plus efficace, se désancrer (encore une métaphore et un mythe), se déraciner, se libérer dans sa pensée.