Michel Maffesoli
Il faut lire L'Ordre des choses (CNRS éditions) que vient de publier Michel Maffesoli, car il est le plus radical, le plus jusqu’au-boutiste et conséquent des sociologues de la postmodernité. Sa lecture permet de mesurer toutes les conséquences de ce courant de pensée. Il ne recule devant aucune de ses implications, même celles que les croyants au progrès, dont je suis, jugent toxiques. Mais il n'est pas pour autant pessimiste et sa pensée est plutôt celle d'un joyeux vitaliste. Il est vrai, il le rappelle, qu'un sociologue n'est pas un éthicien, mais un déchiffreur de ce qui est. Certes, Durkheim, notre maître à tous, soulignait les dangers de l'anomie et dénonçait la perte de solidarité sociale qui favorise le suicide. Maffesoli se pose cette question de la fragmentation sociale, tout en soulignant l'importance des nouvelles formes de socialité tribales qui émergent, notamment avec les réseaux sociaux et dynamisent le "vouloir-vivre ensemble" d'aujourd'hui.
Il revendique une "pensée radicale", qui va , par-delà "les bien pensances" instituées, par-delà "le prêt à penser moderne", dire ce qu'est réellement l'ordre des choses, dont nous dépendons profondément alors que nous prétendons le soumettre à nos idées. "Il convient de regarder le monde tel qu'il est et non pas tel qu'il devrait être". En ce sens, il est proche de la mythanalyse - il rend volontiers hommage à son maître Gilbert Durand, l'auteur des "Structures anthropologiques de l'imaginaire". Et dans cette "pensée radicale", il est de la trempe des démystificateurs joyeux, même du pire: "Il faut savoir s'accorder à la tendre cruauté de l'ordre des choses" dit-il d'entrée de jeu.
Une pensée profonde, donc, étonnamment cohérente et provocatrice, extrêmement stimulante pour ceux, dont je suis, qui veulent quand même changer le monde! Un débat incontournable.