tout ce qui est réel est fabulatoire, tout ce qui est fabulatoire est réel, mais il faut savoir choisir ses fabulations et éviter les hallucinations.

lundi, mai 05, 2014

Qui crée les mythes?



Nous l'avons maintes fois souligné: les matrices des grandes figures mythiques - celles dont Jung a fait des archétypes - s'animent au sein du carré parental dans la psyché individuelle du nouveau-né qui assiste/participe à la naissance du monde.Ce sont les figures centrales de la scène mythique originelle, celle du carré parental. Elles sont activées par les émotions, désirs et peurs de l'in-fans.
Mais comment ces grandes figures prennent-elles forme plus précise et de façon générale s'incarnent-elles dans les récits mythiques très élaborés des sociétés. La psychanalyse souligne le rôle de la sublimation, qui les fait migrer de leur statut émotionnel et instinctif originel vers les imaginaires sociaux. La symbolisation prend alors le relais dans leur configuration collective plus précise et plus stable au sein de la sphère culturelle.
Car l'origine biologique de la puissance des mythes ne saurait suffire à établir leur institutionnalisation sociale.L'étape suivante, c'est la sociogenèse des mythes. En effet, ce sont toujours des prophètes, conteurs, chamans, rois ou chefs militaires, écrivains, poètes, chanteurs, chorégraphes qui créent le récit des faits marquants la trajectoire de ces figures. Ce sont eux qui inventent des détails inspirants dans leur représentation, qui décrivent leurs vêtements et objets symboliques, qui amplifient leurs gestes marquants, conflits, amours, jalousies, et leurs rapports avec les hommes. Moïse, Hésiode, Homère, Platon sont des créateurs exceptionnels, mais l'époque même de l'antiquité n'est pas une exception dans la création de nos grands mythes. La genèse des mythes se poursuit aujourd’hui encore. En Occident, Cervantès, Shakespeare, Dante, Rousseau, Bernardin de Saint-Pierre, Lamartine, Condorcet, Michelet, Hugo, Stendhal, Flaubert, Hegel, Goethe, Schiller, Heine, Marx, Freud, Jung, Wagner, etc. inventent et mettent en scène nos mythes fondateurs de la modernité, le Progrès, l'Histoire, la Raison, le Peuple, le Travail, le Prolétariat, etc. Mary Shelley, Jules Verne, Charlie Chaplin, Lovecraft, Asimov, Frank Hebert, Ray Bradbury, ArthurC. Clark, George Lucas, etc. mettent en scène le futur, la guerre des étoiles, les robots, etc. Les mythes sont œuvres de culture. Et comme on sait, la culture est mémoire, mais aussi création, l'une et l'autre animées par la société qui célèbre la Res Publica, la Nature romantique, les archétypes,la naissance de l'Europe,  les grandes peurs, les grands accomplissements et la science-fiction.
La mythanalyse, lorsqu'elle étudie l'oeuvre d'un grand créateur,ne s'intéresse pas à ses traumatismes infantiles (comme le fait Freud à propos de Leonard de Vinci), mais aux figures mythiques que leur oeuvre met en scène et qui ont eu une résonance sociale exceptionnelle. Et dans le cas de Leonard de Vinci, ce n'est même pas la Joconde, mais lui-même qui est devenu un mythe emblématique de l'esprit de la Renaissance: réalisme, rationalisme, humanisme, science et technologie.