tout ce qui est réel est fabulatoire, tout ce qui est fabulatoire est réel, mais il faut savoir choisir ses fabulations et éviter les hallucinations.
dimanche, novembre 27, 2011
Le cinéma et les jeux vidéos sont des drogues socialement acceptables
Il n'y a pas que les champignons, la magie et la religion qui soient des drogues. Le cinéma, comme les jeux vidéos, sont aussi des drogues, socialement acceptables, qui nous divertissent de l'ordinaire vie quotidienne. Au cinéma, nous entrons dans le noir pour sortir de la grisaille. Au cinéma, la drogue nous soumet passivement. Avec les jeux nous devenons hyperactifs et nous excitons sur des consoles.
Ce sont des drogues visuelles, comme la plupart des drogues. Elles nous permettent de nous projeter dans d'autres univers, dans les vies d'autres personnes. Nous y jouissons d'émotions différentes. Ce sont des drogues douces, mais qui peuvent devenir dures. Nous y vivons des good and bad trips. Le retour à la réalité est parfois bancale.
Ce sont des drogues désirables, voire socialement nécessaires. Elles ne sont pas chères et se vendent bien. Mais nous devenons des consommateurs exigeants. Les réalisateurs sont en compétition. Il y en a que nous aimons beaucoup plus que d'autres. Le marché se renouvelle. Chaque prise de drogue est différente. Et nous en devenons dépendants, mais sans trop d'effets secondaires pervers. Les drogues sont un art. Les arts sont une drogue.
Pourquoi fuyons-nous ainsi dans un ailleurs? La réalité est-elle plus forte que nous? Notre impuissance y est-elle trop frustrante? Ce sont plutôt la répétition et l'ennui qui en résulte qui nous déçoivent. Les autres animaux ne semblent pas ressentir cette lassitude de la répétition. Lorsque se dressent des défis, lorsque la vie devient très difficile, elle ne nous ennuie plus. L'instinct de puissance en nous se réactive pour faire face. Dans les jeux vidéo, CyberProméthée s'exalte. Au cinéma, ce sont plutôt Dieu et le Diable. Ces trois figures, Prométhée, Dieu et le Diable sont nos trois grandes drogues occidentales.
vendredi, novembre 25, 2011
Le Diable et Prométhée
Prométhée et le Diable, ce sont les deux figures fondatrices de la conscience occidentale. Tous deux nous ont invités à prendre notre destinée en main, en nous offrant la conscience. Dans la mythologie grecque, c'est le feu, volé à Zeus, que Prométhée nous donne, qui symbolise la connaissance. Dans la Bible, c'est la pomme dans laquelle Adam et Ève mordent, à l'invite du Diable, qui leur donne la conscience. Mais au-delà, les deux mythes sont opposés. Dans la Bible, c'est Dieu qui domine l'Homme, qui le chasse du Paradis terrestre, et qui le punit en le condamnant à travailler pour vivre. Dans le mythe grecque, c'est l'homme qui vainc Zeus, et qui s'engage glorieusement à changer le monde grâce à la maîtrise du feu. La Bible nous condamne à la soumission. Le mythe grec nous libère de la soumission.
Les deux récits fondateurs s'opposent. Et de la naît toute l'ambiguïté, mais aussi la puissance de l'Occident. Notre histoire se présente comme une tentative constante de concilier ces deux visions.
Aujourd'hui même, nous retrouvons ces deux mythes fondateurs dans les deux industries du cinéma et des jeux vidéos. Le cinéma opère sous le regard de Dieu. Les jeux vidéos dans la main de Prométhée. Le cinéma est biblique, le jeu vidéo est grec.
Le cinéma développe des récits, avec une dimension psychologique et des implications morales. Beaucoup de films jouent sur l'émotion et aimeraient nous faire pleurer. Nous y assistons passivement, sans pouvoir changer l'histoire. Les films sont souvent doloristes et fatalistes, comme le catholicisme et la Bible.
Inversement les jeux vidéo se passent facilement de scénarios.Ils nous proposent plutôt de vaincre les méchants et de gagner. Nous offrant l'interactivité, ils nous invitent à l'action. L'issue dépendra de nous. Ils ne jouent pas dans le registre psychologique, ni dans la mauvaise conscience. Ils roulent les mécaniques. Ludiques, ils nous proposent des moments joyeux. Même lorsque nous perdons, ce n'est pas bien grave. On peut recommencer la partie. Rien de tel dans la vie, ni dans le cinéma.
Dans le cinéma, le Diable est présent. Le mal et le bien nous dominent. Nous perdons. Les jeux vidéo, au contraire, sont d'inspiration grecque. Nous vainquons les démons. Pas de mauvaise conscience. Le mal est là pour que nous le dominions. Nous tuons les dragons. Nous décidons de notre sort à chaque instant. Nous gagnons.
On nous parle aujourd'hui de plus en plus de convergence entre le cinéma et les jeux vidéo. Mais il ne s'agit pas seulement d'un défi technologique. Les différences sont beaucoup plus profondes, au niveau de l'imaginaire. La rencontre du Diable et de Prométhée, des deux mythes fondateurs de l'Occident, demeure improbable. Elle serait difficile à maîtriser.Je ne crois pas au film interactif, même avec des téléphones intelligents dans les mains des spectateurs. On explorerait mieux cette voie avec des jeux vidéos de qualité cinématographique (scénario, direction, qualité esthétique, etc.) Mais l'arrimage des mythologies grecque et biblique demeurera problématique. Ce sont les imaginaires qui ne ne convergent pas.
samedi, novembre 19, 2011
jeudi, novembre 17, 2011
Le CyberProméthée de Jacline Bussières
J'ai eu la surprise, à l'occasion d'une conférence que je donnais au Musée de la civilisation à Québec, de rencontrer Jacline Bussières, avec des photos d'un CyberProméthée en bronze, que lui a inspiré mon livre paru sous ce titre en 2003.
C'est une impressionnante sculpture, volontariste, iconique, qui affirme sa puissance brutale mais aussi sa doulour et comporte sa part d'ombre. Elle a deux faces, titanesque devant et cérébrale en arrière. Les lettres qui y sont gravées, dont le nom de CyberProméthée, évoquent notre pouvoir de création, d'abstraction, qui s'est traduit notamment par l'invention de l'alphabet phonétique, ancêtre des caractères mobiles de l'imprimerie de Gutenberg, puis du code binaire de l'informatique.
Les écrivains ont des lecteurs qu'ils ne connaissent pas. Je le regrette toujours. Voilà donc une belle rencontre.
La figure de CyberProméthée est plus actuelle que jamais. Ce Titan, qui créa, selon la légende, les hommes à partir d'eau et de terre - comme le dieu de la Bible - , puis leur donna le feu de la connaissance et de la fabrication après l'avoir volé à Zeus, symbolise la victoire des hommes sur Zeus, à l'inverse de la Bible, qui relate le bannissement d'Adam et Ève, et leur soumission à Dieu. Prométhée célèbre le travail, tandis que pour Adam et Ève, la nécessité de travailler à la sueur de leur front est une malédiction. Deux mythes qui s'opposent diamétralement, mais qui ont coexisté dans la civilisation occidentale. Résultat ironique: les aristocrates se targuèrent de ne pas travailler et d'avoir de l'argent grâce à leur naissance supérieure, tandis que les serfs et le peuple étaient condamnés au labeur. La bourgeoisie le fut aussi. Mais lorsqu'elle adopta la Réforme pour s'opposer à la religion catholique d'État, elle devint vite plus riche que l'aristocratie, car le protestantisme identifiait travail et piété, comme l'a souligné Max Weber.
Les mythes sont récupérés idéologiquement et politiquement pour le meilleur et pour le pire.
mercredi, novembre 16, 2011
Les grands récits mythiques
Les mythes nous immergent dans de grands récits cosmogoniques, que ce soient des mythologies animistes, polythéistes ou monothéistes. L'occident moderne a bâti son récit sur le Big Bang, qui se présente comme la création de notre univers. Ce récit scientifique est lié dans notre constellation mythique à la théorie darwiniste de l'évolution, ainsi qu'à l'épopée hégélienne de l'avènement chaotique de la Raison, donc du Progrès, qui s'annoncent comme notre futur accomplissement humain.
vendredi, novembre 04, 2011
Il n'y a pas de progrès en art
L'art véhicule les mythes. Il peut être aussi un interrogateur de mythes, un démystificateur. C'est le choix qui a fondé l'art sociologique dès le début des années 1970. Ce que j'appelais "l'hygiène de l'art", en est l'exemple. J'ai insisté dans cette démarche avec les panneaux de signalisation imaginaire "Art! Avez-vous quelque chose à déclarer?", et avec "La déchirure des oeuvres d'art".
En choisissant de reprendre les contre-empreintes de main des peintures préhistoriques sur mes toiles, je soulignais qu'il n'y a pas de progrès en art. Le mythe du progrès est étranger à l'art. Et c'est une erreur des arts numériques que de condamner les beaux-arts en les déclarant obsolètes au nom du progrès de la technologie.
jeudi, novembre 03, 2011
L'ombre
Il n'y avait pas d'ombre dans la peinture iconique du Moyen-Age. La symbolique de la noirceur renvoyait au diable. L'Église nous tournait vers la lumière divine. C'est la Renaissance qui l'a prise en compte dans son exploration du réalisme pictural. Pour autant, la représentation de l'ombre n'a pas depuis perdu cette symbolique. Le rationalisme aussi veut y "voir clair".
Sur ce tumulus ancien des autochtones américains à Marietta (Ohio), l'ombre portée de l'artiste s'incline et s'allonge la terre en descendant les marches de l'escalier. Une émotion le saisit, celle du compte à rebours qui l'entraînera dans la mort. (2010). L'imaginaire est plein d'ombres. Il est hanté par l'ombre.
L'ombre le regarde. Mais ce regard en pongée semble aussi se relever et se dresser vers son destin, vers une marche de lumière.
Voilà une image de l'homme bien différente, dans sa fragilité et dans sa force, du héros homardisé des images numériques que j'évoquais hier.
mercredi, novembre 02, 2011
le mythe de l’humanoïde homardisé
La science fiction, que ce soit dans les films, les jeux vidéo ou la bande dessinée, réactivent des monstres moyenâgeux aux cuirasses de homard. Cherchant à évoquer le futur, les créateurs reprennent toutes les formes les plus archaïques de notre imaginaire: animaux chimériques mêlant les organes de diverses espèces - queues, cornes, ailes, griffes et palmes, poil et écaille -, guerriers cuirassés, indigènes primitifs et bêtes hybrides de chair vive et de quincailleries vieillottes - tubes, gaines, boîtiers, engrenages, leviers, rotules, pistons et j'en passe.
Il semble bien difficile d'inventer un avenir inédit et faute de mieux on rafistole. Il est vrai que les réseaux numériques et les algorithmes sont invisibles et difficiles à représenter. Les univers qui se situent au-delà de la vitesse de la lumière échappent à nos sens aussi bien qu'à notre esprit.
La science-fiction est vieillotte et même archaïque. Notre imaginaire, pourtant, est obsédé par le futur!
mardi, novembre 01, 2011
L'imagination monumentale
Dessine un monument imaginaire pour ton quartier
Art sociologique au musée d'art moderne de Mexico, Evento social imaginario, La calle Adonde llega? 2003
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