Beaucoup dénoncent les excès de l’économie
dans le monde actuel. Mais c’est l’informatique qui est hégémonique, plus encore
que l’économie qu’elle domine d’ailleurs aujourd’hui, au point de l’avoir dématérialisée.
Après la conquête de l’Ouest, puis celle de l’espace, c’est cette exploration
ascensionnelle de la technoscience qui est devenue la nouvelle frontière
américaine : un mythe diversement partagé ou rejeté dans les autres
cultures. À elles deux l’informatique et l’économie ont conquis la planète
Terre, comme une déesse-mère pluripotente à deux têtes. Elles sont pour nous
tout à la fois maternelles et redoutables, omniprésentes et anonymes,
intimement proches et lointaines, visibles et occultes comme toutes les
divinités que l’on redoute et que l’on prie tout à la fois. Et elles ont toutes
deux leurs prosélytes et leurs intégristes, comme toutes les religions qui
tentent de nous imposer leur vérité totalitaire.
L’économie nous terrifie. Les crises se
succèdent et s’aggravent, désespérant des millions d’êtres humains, qui perdent
leur travail, leur dignité et l’espoir. La Bourse rythme le quotidien de nos sociétés Le calendrier
financier a pris la relève du religieux. Le
vendredi était traditionnellement "jour maigre". On faisait
pénitence. Maintenant, le vendredi, on rend gorge. Certes, heureusement, tous
les vendredis ne sont pas noirs, ni les lundis non plus. Mais comment en
sommes-nous arrivés à dépendre à ce point du jeu des spéculateurs ? Quel
étrange phénomène anthropologique que cette nouvelle religion de l'argent, dont
le Vatican est aujourd’hui à New-York et sera demain sans doute à
Hong-Kong ! Voilà un nouveau veau d’or dont
les méfaits, la violence, le cynisme, l’exploitation humaine et les crises très
réelles qu’il déchaîne dépasse les effets pervers de toutes les superstitions
et religions précédentes.
Mais ne dramatisons pas. L’économie se
limite à une vision quantitative de la planète Terre. Le numérique, lui, va
beaucoup plus loin. Il nous impose un simulacre extensif, diversifié et total
de l'univers. Un pansimulacre qui prétend remplacer le réel, parce qu’il nous
semble plus vrai (précis, informatif, interprétatif), plus instrumental (contrôlable et efficace),
infiniment plus grand, petit ou détaillé selon les besoins, illusionniste
(trompe l'œil), séducteur, excitant et immersif que notre quotidien
traditionnel. Un pansimulacre dangereux, parce qu’il se présente à nous comme
une technoscience mathématique et donc objective, anonyme et universelle, atopique,
alors que nous vivons aujourd’hui dans un monde tout à la fois trivial et
hallucinatoire, tant les rationalisations de détail déshumanisées d’un
imaginaire exalté nous surplombent.
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