tout ce qui est réel est fabulatoire, tout ce qui est fabulatoire est réel, mais il faut savoir choisir ses fabulations et éviter les hallucinations.

mardi, novembre 03, 2015

"Magie et technologie" de Manuela de Barros


"Magie et technologie": un livre important qui vient de paraître aux éditions Supernova. Manuela de Barros y aborde  un thème d'une grande actualité. Dans "La pensée magique du Net" (édition François Bourin, Paris, 2014) j'ai traité principalement de la magie ordinaire du numérique du point de vue de la mythanalyse. Manuela de Barros s'intéresse davantage aux démarches extrêmes du numérique, où magie et technologies numériques se rejoignent manifestement aux yeux de beaucoup dans une démarche imaginaire qui réanime les vieux rêves de l'humanité:, notamment l'ubiquité et l'immortalité.
Ce livre s'inscrit dans des recherches persévérantes de Manuela de Barros sur les frontières entre biologie, philosophie et anthropologie. Elle est une bonne lectrice de Ioan Peter Couliano (Eros et magie à la naissance, 1484, Flammarion, Paris, 1984). Deux citations qu'elle place en parallèle, en exergue d'un de ses chapitres, situent directement son champ de recherche:
"Any sufficiently advanced technology is indistinguishable from mlagic" (Arthur C. Clarke).
"Any technology distinguishable from magic is insufficiently advanced" (Barry Ghems).
Et cette recherche elle-même avancée, qui devient parfois vertigineuse, notamment dans les derniers chapitres, conduit Manuela là "où fantasmes et réalité se brouillent, où le réel semble déraper dans l'imaginaire, la fiction se réaliser, le délire devenir histoire. Ici, les technologies ont largement dépassé les rêves les plus fous des magiciens les plus mystificateurs, des illusionnistes les plus fourbes, des sorciers les plus inspirés." C'est en effet un étrange phénomène d'actualité de voir notre époque si prétendument pragmatique, obsédée de réalisme, d'approches quantitatives, d'économie, dériver simultanément dans les élucubrations débridées des gourous américains. Et de voir une société aussi rationnelle que Google soutenir les recherches transhumanistes abracadabra de Ray Kurzweil et financer la "Singularity University" qui questionne le "mur du futur".
L'attention de Manuela de Barros pour le bio-numérique la conduit aussi à analyser les fantasmes qui ont produit l'idée de cyborg. Un imaginaire qui avait fasciné Dona Haraway avec son fameux Manifeste cyborg (1991) et dont elle démystifie l'imaginaire.
Pour ma part, je retiendrai de ce livre non seulement la pertinence et les références classiques (Platon, Pythagore, Al-Kindî, Paracelse, Giordano Bruno, Nicolas de Cues), mais aussi son inscription dans la littérature actuelle de science-fiction et ( Arthur C. Clark, William Gibson, Riddley Scott, Philip K. Dick).
Elle conclut en évoquant le catastrophisme de Jean Baudrillard qui dénonçait le cannibalisme des médias et des images par ordinateur. Mais c'est après avoir rappelé une exigence qui est la mienne dans ma pratique d'artiste et que j'ai maintes fois soulignée:
" Pour ma part, je considère que le pire, c'est de laisser la science aux seuls scientifiques. Les artistes, comme les penseurs de tous genres ont, non seulement le droit, mais aussi le devoir de s'emparer de l'univers que la science prétend créer pour nous tous. Et s'il advient que des stupidités soient dites, des manquements commis, ils ne sont pas acceptables seulement dans le champ de l'expérimentation scientifique où l'on en voit beaucoup."
Un livre qui mérite une grande audience auprès des scientifiques, des philosophes et des artistes. Un livre de référence pour la mythanalyse du numérique .
Hervé Fischer

dimanche, novembre 01, 2015

Dieu et la nature




J'ai souvent écrit que la nature est Dieu. Mais comme tous les dieux, la nature a beaucoup de défauts, invisibles,visibles et spectaculaires. Tremblements de terre, cyclones, tsunamis, mais aussi mongolisme, frères siamois, handicaps de naissance en attestent. La liste serait longue!
Cela nous rappelle que la nature n'est qu'un système énergie/matière sans conscience. Son génie que nous révèle les lois de la nature et sa foisonnante et fascinante créativité ne doivent pas nous dévoyer de la pensée matérialiste qui en rend compte.
Certes notre conscience humaine n'est constituée que d'énergie et d'éléments premiers du tableau de Mendeleïev. La nature crée donc de la conscience chez les êtres vivants à des degrés divers, qui vont des végétaux aux humains en passant par le règne animal. Mais on ne saurait dire pour autant qu'elle a conscience d'elle même, ce qui est le premier critère définissant l'état de conscience.
Lorsque Spinoza dit que la nature est Dieu, c'est une manière cachée de dire son athéisme matérialiste. Son panthéisme, que je partage, n'est aucunement une religion. Ce sont les hommes qui sont en quête de dieux, c'est à-dire de l'accomplissement d'eux-mêmes. Un rêve.