tout ce qui est réel est fabulatoire, tout ce qui est fabulatoire est réel, mais il faut savoir choisir ses fabulations et éviter les hallucinations.

samedi, février 08, 2014

Matérialisme et dématérialisation


Paysage numérique QR, peinture acrylique sur toile, 2009



Nous avons délaissé progressivement à l’époque de la Renaissance en Occident le symbolisme magique et religieux pour nous lancer dans la conquête du réel. Nous avons inventé le réalisme de l’espace géométrique, des visages, des ombres et de la couleur locale. Nous avons réactivé le rationalisme inventé par les Grecs anciens. Nous avons créé l’humanisme. Nous avons construit des machines pour transformer le monde, nous avons valorisé le travail, l’observation et la science expérimentale, célébré l’individualisme, osé l’athéisme et survalorisé le réel par rapport à l’ailleurs divin qui dominait les siècles précédents. Cette célébration du réel a duré un demi-millénaire. Jusqu’à ce que la science du XXe siècle, par un développement paradoxal qui renouait avec le symbolisme de jadis, dématérialise ses objets d’étude, les construise en fichiers numériques, et que tout un chacun se jette dans un monde virtuel, plus intelligent, plus instrumental, plus prometteur, et plus doux aux mains que la dure réalité. 

Les vapeurs toxiques du numérique


On ne saurait échapper aux mythes, qui structurent et imagent notre pensée. Mais il faut choisir les bons mythes, porteurs d’espoirs ici-bas, et repousser les mythes destructeurs. Quant à moi, ne me suis-je pas laissé contaminer par les vertus magiques, mais aussi par les vapeurs toxiques du numérique ? Je suis encore capable de me plonger dans le silence et la blancheur des forêts hivernales du Québec, où j’ai choisi de vivre, et de ramasser une feuille morte sur la neige, sans entendre mon téléphone me rappeler à la nouvelle réalité.