tout ce qui est réel est fabulatoire, tout ce qui est fabulatoire est réel, mais il faut savoir choisir ses fabulations et éviter les hallucinations.

jeudi, février 23, 2012

Pensée binaire


Pourquoi la pensée binaire occupe-t-elle et structure-t-elle tant notre esprit? Pourquoi lui avons-nous accordé un statut de vérité et une telle puissance logique de raisonnement? Pourquoi avons-nous aujourd'hui, à l'âge du numérique, fondé notre évolution humaine sur les technologies associées à un code binaire, 1 ou 0, qui est devenu l'alpha et l’oméga de tous nos algorithmes, de l'informatique?
Cette tendance humaine remonte loin dans le temps, dans les oppositions asiatiques du yin et du yang, religieuses du bien et du mal, aussi bien que dans la fondation du rationalisme grec. Socrate est le champion déclaré de ce mode de pensée binaire supposé accoucher de la vérité.
- Si ce n'est pas vrai, alors peut-on dire que c'est faux? demande Socrate à l'esclave.
- Oui assurément, répond l'esclave, cela ne peut être que faux.
- Alors tu es d'accord avec moi que c'est faux, demande Socrate.
- Oui, assurément, cela est faux, dit l'esclave.
La logique classique, dite de Port-Royal, identitaire et du tiers exclu, le rappelle avec la plus grande vigueur: A est A, A ne peut pas être B.
Le rationalisme classique correspond à la généralisation de l'individualisme et de la famille conjugale fondée sur l'union durable d'un seul père et d'une seule mère, à l'opposé des sociétés antérieures basées sur les familles indivises et sur la magie.
C'est la mythanalyse qui explique cette domination de la pensée binaire par la théorie du carré parental associant le biologique binaire (un père et une mère) et le déterminisme de l'autre (la société), qui institue la famille individualisée, le monothéisme, le rôle paternaliste du roi, du prince, de l'État, et maternel de notre mère l'Église catholique. Nous avions antérieurement la domination de la logique participative, celle de la magie, de l'alchimie, de l’irrationalisme, en même temps que la structure sociale de la famille indivise, communautaire associant le nouveau-né aux mères et aux pères du groupe (l'oncle maternel ayant plus de pouvoir que le père biologique), et le polythéisme - plusieurs dieux, ayant chacun sa rationalité et son pouvoir.
Mais pourquoi ce fondement biologique et social de la pensée binaire, qui aboutit aujourd'hui au code binaire de l'informatique et à sa célébration urbi et orbi, connaît-il un tel succès au moment précisément où la rigidité de la famille conjugale éclate? Au moment où des pratiques de transexualité s'affirment ainsi que les mariages homosexuels? Au moment où le principe de non détermination en science, les logiques floues, les systèmes complexes, les lois du chaos, la physique quantique remettent en cause le rationalisme classique binaire?
Voilà une grande question, à laquelle il nous faudra répondre.