tout ce qui est réel est fabulatoire, tout ce qui est fabulatoire est réel, mais il faut savoir choisir ses fabulations et éviter les hallucinations.

lundi, mars 24, 2014

L'archaïsme du langage



 L’étymologie est l'un des outils privilégiés de la mythanalyse, car au-delà du travail historique des linguistes, elle déclare l'imaginaire qui est l'origine des mots. Cet imaginaire est métaphorique, biologique, mythique. Même lorsque les linguistes au moment de la Renaissance, travaillant à établir l'écriture officielle de la langue vulgaire, le français, encore orale le plus souvent, ont fait des erreurs d'étymologie, les orthographes qu'ils ont faussement corrigées révélaient souvent aussi l'actualité de leur imaginaire, en décalage éventuel avec l'imaginaire originel. En ce sens, le langage est toujours archaïque: son étymologie métaphorique plonge ses racines dans l'inconscient collectif.

Ainsi, comprendre l’inné de l’enfant, c’est mettre ensemble ce qui s’est constitué lors de la naissance dans la psyché et le cerveau de celui qui ne parle pas. Il faut certes se méfier de ce petit jeu, qui peut nous entraîner dans d’autres fabulations, celles de notre propre inconscient. Mais Lacan soulignait déjà que l’inconscient est dans le langage et dans les jeux de mots, pas dans la cave freudienne. Et Heidegger nous a appris à penser les mots dans leur imaginaire philosophique. 

L'origine des émotions



Chacun a eu l'occasion de le ressentir: les émotions sont des mouvements de la psyché qui remontent à la surface de la conscience et nous submergent malgré nous. Et ils sont si forts que nous ne pouvons les retenir, les cacher. Ils nous projettent sur la scène sociale et nous révèlent à l'autre. Ce sont des é-motions, qui sortent de nous, au point de nous déstabiliser dans nos structures psychologiques autoprotectrices. Comment expliquer la puissance des émotions? Par le ressort dynamique de leur origine, qui se situe dans des moments forts de notre existence, à commencer par notre naissance et à continuer par les rebondissements des liens hypersensibles de notre naissance: la mort ou la mise en danger de mort du père, de la mère, d'un acteur important du carré parental, oncle, frère, sœur, proche. Ce peut être aussi la répétition d'émotions originelles, telles que l'impuissance corporelle du nouveau-né, le manque d'affection ou l'excès d'amour, la faim, les peurs (de mort) et désirs (de vie), anxiétés et satisfactions des débuts de la vie intra et extra utérine. Autrement dit, c'est des expériences de vie  in-nées que viennent les é-motions. L'expression paraît évidemment paradoxale, mais elle dit vrai: l'émotionnel, c'est l'actualisation puissante de l'inné.

dimanche, mars 23, 2014

Mutation mythique: l'émergence du mythe humain


Avec l'émergence de l'âge du numérique, le mythe humain devient un mythe mutant, celui de CyberProméthée, excitant l'instinct de puissance de l'Homme, qui devient lui-même un dieu et prend la place de la vieille rengaine monothéiste, et invitant l'homme à créer l'hyperhumanisme, une déclinaison du nouveau mythe humain centrée sur la valorisation de l'éthique planétaire.

mardi, mars 18, 2014

Le mythe humain


A la blague, il dit: "j'en parlerai demain". 
Car il ne savait pas quoi en penser.

La magie ordinaire


Nous nous faisons, nous autres Occidentaux, tout un monde de la magie. Un monde mystérieux, dangereux, menaçant, dont nous préférons nous tenir éloignés. Même ceux qui prennent la magie pour un paquet de superstitions et de fadaises demeurent sur leurs gardes, et en particulier par rapport aux divers experts en magie, qui pratiquent l'hypnose, les voyants ou ceux qui vous promettent de faire revenir vers vous l'être aimé que vous avez perdu. Personne ne peut affirmer échapper totalement aux horoscopes, aux superstitions ou aux pratiques magiques anciennes.
On peut aussi bien affirmer que la magie n'est qu'une illusion, une faiblesse de l'esprit, ou qu'elle n'existe pas, ou chanter que le monde est magique. En fait, il n'y a pas de différence de nature, mais seulement de degré et d'intention entre la magie ordinaire du monde quotidien, la magie rose, la magie blanche, la magie noire ou la magie numérique. Marcher, prendre sa bicyclette, l'auto ou l'avion pour se déplacer serait de la magie pour un paralytique. Cuisiner, prendre un verre de vin, regarder la télévision, faire l'amour sont des pratiques magiques, susceptibles de nous émerveiller. Dire «je t'aime» ou insulter quelqu'un sont des formules magiques qui visent à obtenir l'amour d'une autre personne ou à l'envoyer au diable - la caresser ou planter des aiguilles dans une poupée. Et chacun en espère une efficacité irrationnelle. Mener une campagne électorale avec des mots et des comportements persuasifs, en prononçant des promesses ou des menaces dont il faut se protéger, avoir du charisme, c'est se vouloir magicien et en espérer un pouvoir politique que la «magie» d'un chaman déclaré ne donnerait pas si facilement. Twitter, écrire un blogue ou un livre sont des pratiques magiques, qui visent une efficacité par les mots.Les mots eux-mêmes sont des métaphores, porteuses d'images; et qui dit images dit leur pouvoir magique. Les mots évoquent, manipulent, menacent, atteignent, repoussent, protègent, comme des talismans, des gris-gris, des filtres, des baguettes magiques. Les métaphores des mots, l'efficacité des syntaxes sont des procédés magiques. La parole est d'origine magique et en garde la mémoire et l'efficacité. Et le rituel originellement sacré de l'écriture des mots augmente leur puissance.
La magie ordinaire est finalement omniprésente et beaucoup plus efficace que la magie des sorciers. Le monde et la vie sont des émerveillements ou des malédictions magiques. Cela mérite que nos esprits auto-déclarés «modernes» y pensent davantage.

dimanche, mars 16, 2014

La morbidité des Structures anthropologiques de l'imaginaire de Gilbert Durand


Nous associons souvent l'imaginaire à nos frayeurs d'enfants et à nos peurs d'adultes. Et je dois dire que ce fut longtemps mon cas. La peur du noir de mon enfance - je suis né en 1941 à Paris, dans une ambiance de mort, puis j'ai grandi dans une atmosphère de dépression chronique et de conflits incessants - a sans aucun doute été ma motivation pour consacrer à l'âge adulte tant d'énergie à m'en libérer, jusqu'à développer la pratique de l'art sociologique et la théorie de la mythanalyse. J'ai fait ainsi au cours des années ma propre mythanalyse. Cela a été long, mais j'y suis parvenu  et je publie donc de plus en plus, et avec de plus en plus de sérénité, les éléments du puzzle qui me permettent de fonder cette théorie de la mythanalyse à partir de ce que j'ai appelé le "carré parental".
Je n'avais donc pas été surpris, lorsque j'ai lu Les structures anthropologiques de l'imaginaire de Gilbert Durand à la fin des années 1970, par son affirmation selon laquelle les mythes seraient des histoires que les hommes se racontent, de siècle en siècle et partout dans le monde, pour apaiser leur anxiété face à l’inéluctabilité universelle de la mort : Ainsi, l'origine de l'imaginaire est une réponse à l'angoisse existentielle liée à l'expérience "négative" du "Temps". L'être humain sait qu'il mourra un jour car le Temps le fait passer de la naissance à la mort. De cette angoisse existentielle et universelle naîtrait l'imaginaire (Structures anthropologiques de l’imaginaire). Il est possible aussi que Gilbert Durand, qui a été un grand résistant à l'époque de l'occupation nazie en France, ait été lui-même marqué par les moments d'anxiété extrême et de désolation qu'il a pu vivre; et que la découverte de la Shoah l'aie conforté dans cette vision dramatique et morbide de la condition humaine. Il n'aura pas été le seul, à l'époque. La publication en 1972 de La violence et le sacré par René Girard en est un des exemples frappants. Et l'émergence de la postmodernité, de son nihilisme épistémologique, de son fatalisme jouisseur et résigné, apparaît aujourd'hui comme une secousse secondaire, trente ans plus tard, de ce terrible tremblement de terre de force 10 qu'a été la montée en puissance du fascisme et la Seconde guerre mondiale. Thanatos n'a pas régné ainsi impunément dans nos imaginaires sociaux. Il n'est pas nécessaire de coucher la société sur le divan pour comprendre qu'il y est marqué comme un traumatisme collectif impossible à oublier, et même pour beaucoup d'êtres humains impossible à surmonter.
Mais il est temps de surmonter ce traumatisme qui s'oppose à notre lucidité et à notre joie de vivre. Nous sommes habitués à observer l'ambivalence des mythes, qui sont interprétés positivement ou négativement selon les époques et les sociétés. Tout au contraire de la position de Gilbert Durand, nous choisissons donc l'idée que la gestation des mythes est coexistentielle au processus de la naissance du monde-qui-vient-à-l’enfant. Le mythe central, élémentaire ou fondateur de tous les autres n’est pas, selon notre option, la mort, mais la création, qui demeure dans toutes les mythologies primordiales par rapport à la mort ou à la fin du monde quelles qu’en soient les déclinaisons sociales et historiques, animistes, polythéistes, prométhéennes, monothéistes ou athées. C’est ce qui explique aussi que l’art soit la célébration toujours répétée de la création.
De même, les métaphores océaniques du web évoquent l’importance de l’eau mais n’en soulignent pas que l’aspect menaçant de sa profondeur noire comme le sang qui coule - l'un des axes de mythocritique retenus par Gilbert Durand. Certes, les abîmes de la profondeur du web, ses pirates, la cybercriminalité illustrent la pertinence de son propos. Mais cette métaphore du web évoque aussi, tout au contraire, le liquide amniotique de la vie et la nostalgie protectrice qui lui est associée.
Ce sentiment océanique qui nous berce aujourd’hui tient à la sensation conviviale et affective que nous procure le web, tel un liquide  nourricier, doux et tiède, où nous évoluons sans effort. C’est à se demander si la couleur de la prochaine génération de nos écrans cathodiques ne va pas virer du bleu azuré au rose chair de la tendresse. Les adolescents demandent de l’amour et sont en recherche d’identité. Ils retrouvent sur Facebook et bien d’autres réseaux sociaux des « amis » qui passent leur temps à cliquer obsessionnellement l like comme autant de demandes de caresses. Facebook, c’est de l’eau sucrée qui ruisselle de la «montagne de sucre» (ainsi se traduit le nom de son fondateur Zuckerberg, qui l’a ainsi inconsciemment programmé, aurait dit Lacan). Une eau sucrée dont nous nous nourrissons, que nous suçons, que nous tétons Nous nous y confions, photographies de notre vie privée à l’appui. Les adolescents aiment cette intimité numérique. Les utilisateurs, qui étaient au début des receveurs passifs, sont devenus proactifs ; ils y investissent de la créativité, donc de l’énergie. L’interactivité et le frottement des messages créent la chaleur des échanges humains. La métaphore thermique célébrée par McLuhan pour caractériser les médias électriques persiste dans l’humanité du numérique. La grande célébration de l’interactivité à laquelle nous assistons de nos jours, l’emphase mise sur le web 2.0 et sur l’idée de l’utilisateur-producteur de messages correspondent manifestement à des utilités, mais aussi à une survalorisation imaginaire de la chimie virale des échanges. Nous sommes transportés par une nouvelle sensibilité, celle du contact tactile numérique, de l’expérience virtuelle ou virtuexpérience : le biovirtuel vécu comme une intensité de l’esprit et de la peau – la peau électronique que décrit Derrick de Kerckhove. L’interactivité crée de l’émotion, des sentiments, de la fébrilité qui excitent les utilisateurs, rapprochent les amis, fidélisent les abonnés.
Il ne faut pas chercher ailleurs le succès de Facebook, qui est avant tout psychique, quasi biologique. 
La mythanalyse n'est pas sourde ni aveugle. Elle connaît Thanatos. Mais elle connaît aussi Éros et Prométhée. Et aujourd'hui, sans tourner la page noire de notre histoire moderne au point de l'oublier naïvement, elle se propose, au bénéfice de tous, de remettre en valeur les facettes positives et porteuses d'avenir de nos imaginaires sociaux. C'est pourquoi nous identifions la lumière du monde qui vient au nouveau-né à la création et la nostalgie du cordon ombilical à un désir de solidarité humaine que nous avons appelé l'hyperhumanisme. Oui, l'hyperhumanisme est un désir, une demande émotive. C'est un mythe que nous inventons parce qu'il implique l'éthique planétaire, un autre mythe que nous voyons émerger et que nous voulons promouvoir parce qu'il répond à une urgence dans le monde actuel tel qu'il va.



samedi, mars 15, 2014

Fonder la Société internationale de mythanalyse


Voilà trente-cinq ans ans que quelques-uns d'entre nous parlons de mythanalyse, ou plus souvent de mythocritique, voire de mythodologie ou de mythographie. Bien sûr les conceptions varient entre l'anthropologie, la psychanalyse jungienne, l'ethnopsychiatrie, la biologie, la psychologie du développement ou l'épistémologie génétique. Et le débat qui devrait se développer entre ces différentes approches n'a pas lieu. Les échanges se font au sein de ces disciplines elles-mêmes, mais presque jamais spécifiquement sur cette nouvelle discipline que constitue la mythanalyse. Et les questions abordées relèvent plus souvent de l'exploration des mythologies anciennes que des mythes actuels qui déterminent nos sociétés dites modernes, sur lesquels porte la mythanalyse. A cet égard, chacun demeure isolé. Nous n'avons pas établi de plateforme d'échanges, ni de groupe de recherche, ni de colloque international portant sur la mythanalyse, où nous pourrions nous rencontrer, confronter nos idées, nous privant ainsi d'une plateforme commune où nous pourrions enrichir la recherche en mythanalyse de nos diverses contributions.
Nous sommes conscients de l'importance des mythes contemporains qui déterminent nos comportements individuels et résonnent dans nos imaginaires sociaux comme un inconscient collectif, mais nous ne les connaissons pas. Nous ne les déchiffrons pas. Nous ne sommes pas en mesure de les désigner, de les évaluer, de les dénoncer, de les modifier pour le bénéfice de tous dans une lucidité collective qui est nécessaire par rapport à nos espoirs et  à nos peurs dans les débats de société, alors que notre évolution s'accélère pour le meilleur ou pour le pire. La mythanalyse, comme toutes les sciences sociales n'est pas seulement une recherche théorique; elle offre aussi une pratique, une utilité, et je le pense, une thérapie sociale. C'est, en quelque sorte, mettre la société sur le divan, l'écouter et la faire prendre conscience de son imaginaire.
C'est pourquoi il est temps de fonder la Société internationale de mythanalyse avec les plus déterminés d'entre nous. Ce geste assurera la reconnaissance de la mythanalyse dans le concert des sciences humaines, nous permettra de nous entendre sur un minimum de visions communes à développer et encouragera la recherche. Qu'importe que son siège social soit au Québec, en France où dans un autre pays.
Mais nous en appelons à tous ceux qui travaillent en mythanalyse à se joindre au projet. La première tâche de la Société sera d'organiser un réseau, une plateforme en ligne des mythanalystes et un colloque international fondateur, dès cette année 2014. Et nous devrons veiller à ce que notre société ne devienne pas un sujet de discorde et de rivalités, comme en psychanalyse, mais au contraire une occasion sereine d'échanges productifs, où chacun respectera la diversité des points de vue et en tirera avantage pour progresser dans ses propres recherches.

Fuyant les douleurs, nous allons construire au bord de la mer une maison extraordinaire, avec de nombreuses pièces d'une grande variété de styles et d'ameublement, des bibliothèques et des salles numériques. Elle sera au milieu d'un jardin où nous pourrons nous promener, cultiver la beauté de la nature ancienne autant que celle de la nouvelle et de ses artifices, nous rencontrer pour dialoguer sur un banc, à l'ombre des arbres de la connaissance. Et nous irons marcher aussi sur la plage qui bordera le jardin, et nous baigner dans les vagues qui nous apporteront sur les courants du large des bateaux chargés d'idées d'ailleurs, de livraisons précieuses des autres civilisations, des pans entiers de palais, de ruines et d'utopies, et des oiseaux rares. Nous nous délecterons des lumières et des épices de l'univers, sans autre souci de conquête, ni d'autres richesses que celles de l'esprit, des imaginaires et de la création, bannissant la tristesse sans répudier les tourments, choisissant entre les mythes ceux qui peuvent nous aider, en quête de divergences pour changer le monde. Nous ne vaincrons pas la souffrance, mais nous serons des dieux.

mercredi, mars 12, 2014

L'origine du monde ; lorsque le monde émerge du chaos et des ténèbres


Il ne faut pas situer confusément l'origine des mythes dans un passé archaïque, primitif  de l'humanité, dans un premier moment obscur de l'hominisation, mais dans le carré parental du nouveqau-né.
Lorsque le nouveau-né émerge d'un accouchement qui est douloureux pour la mère, mais une terrible épreuve aussi pour lui, et que le cordon ombilical est coupé, il se trouve désemparé et effroyablement  vulnérable dans une toute nouvelle situation,comme un mollusque chassé de sa coquille ou une tortue arrachée de sa carapace. Il a quitté une union fusionnelle et protégée avec sa mère, éprouvé la souffrance de l'accouchement, qu'il peut avoir ressenti comme une phase de chaos après la période fœtale paisible, et il est propulsé en criant dans un environnement qui remplit brutalement d'air ses poumons. A travers ses paupières il perçoit la lumière, bientôt aveuglante lorsqu'il ouvrira les yeux et il entend les bruits soudainement retentissants d'un nouveau-monde qui naît à lui et/ou avec lequel son corps fusionne comme il l'avait fait précédemment avec l'utérus maternel. 
Ce monde qui vient à lui, et dont il va progressivement se différencier lui sera bientôt totalement étranger - étrange - et il tentera de préciser ses sensations nouvelles selon ses désirs et ses anxiétés. Il interprétera selon ses satisfactions et ses peurs cette étrangeté sur laquelle il fabulera.
Cette lumière du nouveau-monde émergeant, il l'identifiera à la création originelle du monde, à un dieu créateur qui succède aux ténèbres de la vie fœtale et au chaos de l'accouchement
Puis il prendra conscience des acteurs déterminants de sa vie, la mère, le père, l'amour, les frustrations, les rituels et  les contraintes de l'autre (la société de ses parents), les attentes, les caresses, les plaisirs (Éros) et les douleurs et les peurs (Thanatos), mais aussi les attentes, les impatiences frustrantes dans sa totale dépendance et impuissance, d'où naîtra en réaction son désir durable  de puissance (Prométhée). 
Sur la scène de la naissance il voit donc apparaître les acteurs biologiques et sociaux de la naissance du monde : la lumière créatrice, les imagos de la mère et du père, qui interagissent diversement selon la dynamique du carré parental et les déterminants de la sociogenèse. Lorsque l'enfant paraît, c'est chaque fois un monde nouveau qui naît à lui.
Toutes ces sensations, interprétations et inévitables fabulations de la part de celui qui ne sait rien et est  in-fans vont formater les circuits synaptiques de son cerveau, ses émotions, sa conception de la félicité et de la souffrance,  et vont s'inscrire en lui comme des sensations,des affects, une logique qui détermineront pour longtemps, sinon pour toujours son inconscient. Constitués dans le processus de la naissance, tous ces éléments demeureront comme  des référents innés dans son psychisme - ce qui vient avec la naissance - et que nous appelons les mythes, avec leur charge émotive et la résonance qu'ils ont entre les inconscients individuel et l'inconscient collectif, du fait de l'influence de l'autre (sociogenèse) .
Bien sûr, l'adulte prend de grands risques à imaginer cette description, car nous perdons tous la mémoire de ces premières sensations - elles ont sédimenté dans notre inconscient - aussi vraisemblables qu'elles puissent être. Mais ce rend ce récit crédible, c'est qu'il se retrouve, avec quelques variantes, mais fondamentalement le même dans nos mythes. 

vendredi, mars 07, 2014

La genèse langagière des mythes



Comment naît un mythe? Avec la naissance. Notre pensée demeure toujours métaphorique. Et les noms mêmes des figures qui incarnent nos mythes sont d'origine logique et conceptuelle.Rappelons ici que nos concepts sont des images et, comme le soulignait Lacan, que nos noms, patronymes ou prénoms, contribuent à nous programmer. Nous l'avons souligné précédemment, le nom de la première femme, Pandora, que nomme Hésiode, signifie en grec qu'elle est un "don de tous les dieux". Prométhée et celui qui pense avant, tandis qu’Épiméthée, son frère, est celui qui pense après. Le temps de l'homme est ambivalent, à moitié en avance sur le présent, par projection, (la pensée rapide, le progressisme), à moitié en retard  sur le présent (la pensée lente, le conservatisme). De même, Dieu, c'est Deus, du latin, DyusZeusTheos en grec ancien, le Jour en français. L'origine indo-européenne du mot Dieu renvoie à dy-ēu-, issu de la racine indo-européenne dei qui signifie « briller ». Elle est également à l'origine du sanskrit द्याउः /dyāuḥ, signifiant « ciel lumineux ». On le voit, le mythe de Dieu renvoie à l’image de la lumière, au Soleil que révéraient les Incas, à notre espoir quotidien de voir la lumière apparaître. Mais c'est surtout la première sensation que perçoit le nouveau-né du monde qui naît à lui. La genèse du monde, pour lui, c'est la lumière qu'il voit émerger et qui va peu à peu percer ses paupières jusqu'à ce qu'elle lui devienne familière: le monde naît à lui dans la lumière qui se précise, se dessine en formes étranges qu'il doit séparer de son corps et interpréter. Il ne faut pas chercher plus loin. 
Et l’étymologie érudite peut révéler chaque fois l’image qu’incarne chaque figure mythique. Ainsi Adam vient de l'hébreu et désigne la terre, tandis qu’Ève est la vie. Nous oublions que Sainte Véronique, c’est la femme pieuse qui donnant son voile au Christ portant sa croix sur le Golgotha pour qu'il essuie son visage, a découvert, lorsqu'il le lui a rendu, que son voile gardait pour nous une impression de la vraie image du Christ : vera iconica.
Ce ne sont que des mots abstraits et logiques, logos, mais qui donnent lieu à des récits, mythos,  mettant en scène le réel et l’interprétant. Or il n’y a pas de logos sans mythos. Et ces mots/mythes sont si porteurs de réalité, si puissants tout à la fois logiquement et réellement (mythiquement), qu'il devient éventuellement, comme dans les mots magiques, dangereux de les prononcer, de les représenter ou de les regarder, voire de manger la pomme ou d’ouvrir la jarre. Les mythes imposent des interdits. Le mythe d’Orphée nous raconte comment Orphée perd Eurydice en se retournant pour la regarder (il a perdu la foi dans la promesse d'Hadès en n'entendant plus les pas d'Eurydice invisible - qu'il n'a pas le droit de regarder). Quiconque osait regarder une Gorgone grecque mourait immédiatement pétrifié. Dans le judaïsme le tétragramme héraïque YHWH (יהוה) qu'on écrit couramment Yahweh, est interdit de prononciation:  « Tu n’invoqueras pas le Nom de YHWH ton Dieu en vain » (Ex 20:7). Dans la religion islamique, toute représentation de Dieu est proscrite. Nous ne sommes pas dignes de le penser, ni de l'imaginer visuellement, ni de le représenter. Seul demeure le concept lointain et insaisissable de la lumière. Cet exemple est important pour que nous comprenions que la genèse du nom même des figures qui incarnent nos mythes est avant tout langagière et abstraite (tirée de...). Ce sont des concepts que nous imageons éventuellement avec des mots, et dont nous inventons des récits explicatifs, mais il demeure que les mythes ne sont que du langage.
Ainsi, la mythanalyse de la Nature, du Progrès, de la Raison ou de l'Histoire ne met pas en évidence de belles déesses de marbre, ni des héros armés ou des serpents ailés. Ces mythes demeurent des idées auxquelles nous attribuons un pouvoir génératif, créatif, d'où naîtra le monde que nous espérons. Nous imaginons que la Raison éclaire (comme Dieu) la vérité. Nous croyons que l'Histoire mettra en œuvre la réalisation du Progrès. Nous pensons que le Progrès (étymologiquement la marche en avant) donnera un sens à notre errance humaine qui deviendra l'Histoire, la concrétisation téléologique de notre but final (que nous inventons, comme Marx ou comme Teilhard de Chardin ). 
Et cela nous permet de revenir à notre interprétation mythique de la fille, comme nous en avons une du fils, Prométhée, mais qui soit différente de la Pandora d'Hésiode ou une Pandora - et une Ève - réécrites, réinterprétées positivement. Lorsque la mythanalyse appelle à réécrire le mythe misogyne gréco-biblique de la femme dans notre inconscient occidental, elle ne propose pas de faire des femmes d'aujourd'hui des déesses, ni des Amazones, mais simplement de construire de la femme une image nouvelle, qui soit porteuse d'avenir (qui accouche l'avenir), emblématique de liberté créatrice, égale à celle de Prométhée. Il ne s'agit pas d'inventer une mythologie factice ou pittoresque, avec des allégories, mais de formuler une croyance nouvelle, certes abstraite ou théorique, mais capable dans notre inconscient collectif et dans notre idéologie aujourd'hui encore machiste, d'introduire cette égalité équitable et requise entre la femme et l'homme dont nous bénéficierons tous. Et cela n'implique aucunement, bien au contraire, d'uniformiser les sexes. Nous tirons le plus grand avantage de la différence biologique, mais aussi psychique et intellectuelle qui existe entre les deux sexes. C'est là certainement un grand avantage des espèces sexuées par rapport aux autres: il en résulte une dynamique et une diversité biologique et mentale beaucoup plus créatrice. 


Le talon d'Achille de la théorie jungienne



Ces acteurs du carré parental, de force variable selon la dynamique socioculturelle et particulière à chaque famille, fils ou fille nouveau-né(e), demeure pour la vie la structure génératrice des fabulations et des fixations mythiques. Cette matrice est donc biologique et sociologique, bio-sociologique. Elle met en scène les figures principales de l'inconscient individuel/collectif. Mais celles-ci ne sont aucunement des archétypes, comme l'a prétendu Jung. 
Comment Jung explique-t-il l'origine de ces archétypes auxquels il attribue une existence universelle et éternelle? Alors que la naissance de chaque individu dans la matrice parentale que nous mettons en évidence en explique l'importance déterminante et la sociogenèse, Jung situe dans un ciel fabulatoire ces eidos imaginaires, qui flottent on ne sait comment et qui viennent on ne sait d'où. Jung a nié le facteur déterminant de la sociologie et cela donne à ses textes un curieux aspect universel, car il mêle et recoupe tous les imaginaires dans un style exotique hybride qui séduit au premier regard, mais qui est sa plus grande faiblesse théorique, rédhibitoire. Nous n'en retiendrons, au mieux, que l'érudition, la fabulation littéraire et le rejet du totalitarisme sexuel de Freud.

jeudi, mars 06, 2014

Mythanalyse d'un inconscient collectif toxique: le machisme grec et biblique




Les deux mythes de la création de la première femme, le biblique de la Genèse et le grec d'Hésiode nous racontent leur fabrication triviale et leurs fautes fatidiques. L'une, sous l'influence du Diable propose à Adam de désobéir à Dieu et de croquer la pomme de la connaissance, ce qui entraînera tous nos malheurs. L'autre, sur l'ordre de Zeus, séduit Épiméthée, celui qui comprend trop tard, et ouvre la boîte des mêmes malheurs de l'humanité. Les vieux mythes nous apparaissent aujourd'hui fondamentalement misogynes. L'interprétation du mythe de Pandore, tel que nous le rappelle Jean-Pierre Vernant, le grand spécialiste français de la mythologie grecque, ne laisse aucun doute sur le machisme de la civilisation grecque. Quant aux monothéismes, on voit bien ce que les religions juive et islamique ont fait de la femme : des êtres soumis, sans droits, que domine arbitrairement l'homme. Le catholicisme a au moins tardivement inventé le mythe de la Vierge et canonisé de grandes saintes. Mais ll voit encore la femme comme la chair du péché et lui interdit toute autorité dans une Eglise composée exclusivement d'hommes.
L'Occident a hérité de ces deux mythes, le biblique et le grec sans les remettre en question et il en est résulté une image extrêmement dévalorisante de la femme dans notre inconscient collectif pendant plus de deux millénaires. Pourquoi en rester là? 
Le féminisme ne peut se limiter à une lutte idéologique sans réécrire notre inconscient collectif. La mythanalyse se propose donc de réhabiliter Ève et sa pomme, faussement déclarée fatale, ainsi que Pandore et sa boîte tout aussi faussement interprétée, car la pomme et la boîte (une jarre, devrions-nous dire) ont donné à l'homme la conscience de sa liberté. S'impose l'exigence de réécrire ces deux mythes et de les transformer en un nouveau mythe qui porte des valeurs positives de la femme en Occident. Ce que Hésiode et la Bible ont écrit, l'homme d'aujourd'hui peut et doit s'en libérer, en le rangeant dans nos archives et documents mythologiques. Les mythes ne sont pas des invariants archétypaux. Ils ont été créés par des hommes, poètes prophètes ou prêtres, selon les pouvoirs dominants et les idéologies du moment. Et lorsqu'ils s'avèrent toxiques, il est nécessaires de les remplacer. Créer un nouveau mythe de la femme, en tentant de lui donner une puissance imaginaire suffisante pour qu'il s'impose sur les précédents. L'inconscient collectif n'est pas une fatalité; c'est seulement une sédimentation, qu'utilisent aujourd'hui encore ceux qui y voient un intérêt idéologique. La mythanalyse n'est pas seulement une science humaine de déchiffrement de nos imaginaires sociaux actuels. Elle est aussi un mode d'action engagé en faveur du progrès collectif. Elle a un pouvoir transformateur. Ce que la poésie a fait jadis et qui se révèle destructeur, la mythanalyse se doit de le dénoncer. C'est en ce sens que la mythanalyse, toute relative qu'elle soit, peut initier une thérapie collective. Une société toxique se soigne, par l'engagement idéologique, par la lutte (dans ce cas le féminisme), mais aussi et surtout par la transformation de son inconscient collectif. Balivernes et vues de l'esprit ingénues m'objectera-t-on? Cette transformation mythique qui s'impose à nous dans le cas du statut inconscient de la femme en Occident, n'a rien d'impossible. Les mythes naissent et se maintiennent, ou meurent et changent. La Révolution de 1789 nous en donne un exemple indubitable. Le mythe de Dieu meurt, après celui de l'Olympe grec. Les mythes de la Raison, de l'Histoire, du Progrès émergent, ce sont des inventions modernes, ce qui ne les empêchent pas d'avoir une immense force mythique et de déterminer les comportements de nos sociétés actuelles. Ils sont certes vulnérables à leur tour, mais c'est en vain que la postmodernité a tenté de les décrédibiliser radicalement. Le mythe de l'Histoire, certes, en est mort. Mais je ne doute pas que le mythe de la Raison garde sa force en devenant plus relativiste, ni que celui du Progrès lui survive, tant sous l'effet de la technoscience numérique, que de l'émergence d'une éthique planétaire. L'idéologie peut changer les configurations mythiques. La mythanalyse en est partie prenante, nécessaire. 
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* J'ai déjà écrit dans ce blog sur ce que pourrait être l'apport de la mythanalyse au féminisme:
http://mythanalyse.blogspot.ca/2011/07/mythanalyse-du-feminisme.html 
Voir aussi: http://www.repere.tv/?p=12735

mercredi, mars 05, 2014

Réinterpréter les mythes biblique et grec de la première femme


Ève et Pandore, tweetart, 2012

Pandore est dans le mythe grec la première femme, et elle a tous les dons (en grec ancien Πανδώρα / Pandṓra, « un cadeau de tous les dieux »). On a beaucoup célébré Prométhée, on en a fait même un adjectif valeureux pour évoquer le mythe prométhéen.  Rien de tel pour Pandore, qui renvoie aussitôt à la connotation négative de la boîte de Pandore, qui contenait tous les maux de l'humanité et que Pandore a commis la faute fatale d'ouvrir. Elle était d'ailleurs, sur ordre e Zeus, l'épouse Épiméthée (celui qui est comprend trop tard), le frère de Prométhée  (celui qui prévoit). Et cela mérite plus ample investigation.
La mythanalyse voit dans Prométhée le fils qui trompe le père (il vole le feu de Zeus) pour le donner aux hommes (le feu est la conscience et la puissance). Rien de tel avec Pandore, pourtant si proche du mythe prométhéen, comme si le carré parental comprenait Père, Mère, Fils, l'Autre, mais pas de fille. Bien sûr le machisme des mythes (en particulier celui d'Hésiode à qui nous devons ce récit mythologique) et des idéologies suffirait à expliquer la célébration du fils et l'absence de la fille. Mais ce n'est pas une raison pour en demeurer là. Il ne peut y avoir de fils sans les filles qui enfantent fils et filles.
La mythanalyse se doit de revenir sur le mythe de Pandore, - et aussi sur celui des femmes guerrières, les Amazones -, d'en déchiffrer les paramètres et les récits les plus porteurs, et de réactiver la force positive du mythe de Pandore. La mythanalyse n'est pas l'analyse historique érudite et prétendument objective des mythologies et de leurs multiples et confuses variantes. Elle est tournée vers les temps présents et se donne pleinement le droit non seulement de choisir entre les mythes qu'elle juge porteurs ou destructeurs, mais aussi de métamorphoser les mythes, de les réactiver, voire de les créer s'ils peuvent donner espoir d'un monde meilleur. 
Ainsi, avec la volonté de redonner à la Fille face à la construction de notre avenir, un rôle porteur égal à celui du Fils dans notre imaginaire collectif, la mythanalyse se propose d'explorer le mythe grec de Pandore, d'en restructurer la force positive en choisissant parmi les diverses variantes et contradictions des récits et de leurs interprétations anciennes celles qui se prêtent le mieux à une actualisation et à lui redonner un rôle mythique qui rende justice au rôle des femmes aujourd'hui. 
La mythanalyse devrait parallèlement revoir aussi l'interprétation chrétienne du rôle si négatif d’Ève dans le mythe biblique. Car la pomme de la connaissance qu'elle offre à Adam, et qu'elle mord avec lui, appelle à une interprétation fondamentalement positive de l'aventure humaine. C'est grâce à Ève que l'homme prend conscience de lui-même et assume son rôle terrestre, accèdant à la connaissance du bien et du mal, et à la liberté. Sans Ève l'homme serait demeuré un uncérébré paradisiaque. 
Le parallèle entre Ève et Pandore s'impose au mythanalyste. Et il en est de même de la pomme et de la boîte de Pandore, qui donnent toutes deux accès à la conscience - et inévitablement aussi à la conscience des maux et de la souffrance.
Le machisme du christianisme et de l'Eglise catholique n'est pas à démontrer. Je l'ai déjà souligné dans Nous serons des dieux (vlb, 2005), l'interprétation négative de la femme, source du péché,dans la mythologie biblique, doit être dénoncée et retournée dans un sens positif. Nous le devons à l'exigence contemporaine d'égalité entre les femmes et les hommes. Mais on admettra que la tâche est plus claire par rapport au mythe biblique que par rapport au mythe grec. Dans le cas de Pandore, tout est à faire. La mythanalyse doit réinterpréter le récit accusateur d'Hésiode et l'adapter à notre exigence d'égalité homme-femme en mettant en valeur le rôle positif, constructeur de Pandore, pour recréer le mythe dont nous avons besoin aujourd'hui. 
Dans tous les cas, voilà donc la Fille qui vient dans le carré parental se joindre au Fils sous le vocable du "nouveau-né". 
Le mythe biblique est négatif, il soumet l'homme à Dieu, qui le punit. Le mythe grec est positif, le Fils triomphe de Zeus en lui volant le feu pour le donner à l'homme. Devrons-nous retrouver la même opposition entre les deux mythes dans le cas de la Fille, opposant la signification d’Ève à celle de Pandore? Ce sera le thème de notre prochain texte.

lundi, mars 03, 2014

La dynamique fabulatoire du carré parental






Nous proposons des schémas géométriques et donc rigides du carré parental, que nous proposons comme matrice fabulatoire originelle de notre interprétation du monde dans notre construction théorique de la mythanalyse.
Cette étape théorique étant clarifiée, il est temps d'en venir à une vision plus adéquate de ce que nous appellons les variations dynamiques du carré parental. Nous serons tous prêts à admettre, je le pense, que les grands acteurs de cette structure élémentaire, le nouveau-né, le père, la mère, le nouveau monde, l'Autre ont une influence variable d'une famille à une autre, d'une société à une autre, d'un environnement extérieur à un autre. Tantôt la mère est très présente, tantôt absente; elle allaite ou non le nouveau-né.  Le père domine ou s'efface, est autoritaire, voire violent, ou tendre. Il arrive que le couple parental soit fusionnel, très proche ou distendu, voire conflictuel. Il arrive que le nouveau-né ait un frère ou une sœur jumelle, qu'il soit fils unique ou l'aîné ou le cinquième d'une famille nombreuse. Et il arrive désormais qu'un enfant naisse dans une famille homosexuelle de deux femmes, ou soit adopté par un couple gai. Il faut mentionner aussi le cas des communes et des sectes. L'environnement - le nouveau-monde - joue aussi un rôle majeur, selon qu'il est protégé ou agressif. Des événements particuliers peuvent se produire, qui seront marquants.
La dynamique du carré parental est simple ou complexe, harmonieuse et protectrice, effacée, ou dramatique, voire traumatisante. Elle dégage une ambiance d'amour, de profusion, d'austérité, de pauvreté ou d'hostilité - pensez à un enfant qui naît dans un camp de réfugiés syriens aujourd'hui! Au-delà des variations socioculturelles de la fabulation mythique, nous voyons émerger dans cette problématique les variations biographiques et donc le rôle possible de la psychanalyse de cette gestation socio-individuelle. Chaque individu a sa biographique spécifique au sein d'un environnement mythique propre à la société où il naît.
Le carré parental doit être interprété comme flexible, non linéaire. Il relève de la pensée en arabesque de toute configuration, susceptible de connaître de grandes variations, selon des proximités ou des cassures. Et le nouveau-né y a ses réactions spécifiques, déterminantes de sa psyché individuelle au sein des imaginaires sociaux.
On le voit, la mythanalyse , telle que nous la concevons, ne consiste pas à rajouter des acteurs imaginaires, structurels, archétypaux, narcissiques ou ex-machina, voire à inventer des explications fabulatoires qui seraient des clés d'explications, y compris en invoquant des dieux de l'Olympe ou des figures tectoniques mayas dans nos tentatives d'interprétations mythiques, comme on le fait trop souvent. La mythanalyse vise plus simplement à être réaliste, c'est-à-dire biologique et sociologique. Et c'est d'une complexité amplement suffisante pour occuper l'esprit du mythanalyste! C'est à ce prix qu'elle peut déchiffrer ce qui est réel et non pas tomber dans la tentation des fioritures littéraires imaginaires. La mythanalyse est une théorie-fiction, celle que nous pensons avec notre pensée métaphorique, mais cela ne l'autorise pas à devenir elle-même fabulatoire et à en rajouter dans un style romanesque. Je regrette de le dire de façon triviale: elle doit s'efforcer d'être réductrice pour être opératoire et efficace. Elle exige d'être une théorie, donc une théorie cohérente et non pas un foisonnement d'élucubrations diverses et contradictoires. C'est la condition sine qua non d'existence de toute théorie. Et il devient alors possible de la développer, de la modifier au fur et à mesure que l'on rencontre des objections ou des questions nouvelles. Et même de la renier, pour lui substituer une théorie plus opératoire, comme il arrive dans les sciences exactes comme dans les sciences humaines. Mais on ne progresse pas, quel que soit le domaine d'élucidation, sans rechercher la cohérence de la théorie que l'on construit. Cette recherche d'unité fait partie du domaine de la mythanalyse. On la retrouve dans le mythe de l'unité, dans la théologie monothéiste, dans le lien mère-nouveau-né qu'explore la mythanalyse. C'est en ce sens que je dis que la mythanalyse est elle-même une théorie-fiction. Cela ne lui enlève pas sa légitimité, ni son pouvoir opératoire, aussi longtemps qu'on l'admet et même qu'on le déclare publiquement. Il ne peut en être autrement de la pensée humaine. Mais il faut apprendre à penser, et à choisir entre deux théories, entre deux mythe, celui qui vaut mieux que l'autre. C'est souvent l'utilité opératoire qui en décide, mais ce peut-être aussi une nostalgie du carré parental. Le relativisme qu'il faut admettre dans la mythanalyse est la condition de son développement lucide.

Sociogenèse du carré parental: les variations de l'Autre







Nous avons mentionné l'évolution du carré parental qui devient un pentagone au fur et à mesure que le nouveau-né prend conscience de lui-même en se séparant du nouveau-monde qu'il confondait avec lui-même depuis sa naissance. Il est clair aussi que ce pentagone va se complexifier et exploser lors de l'apparition de nouveaux acteurs dans le carré parental (frères et sœurs, proches parents, étrangers, événements marquants, etc.). Mais cette structure élémentaire du carré parental de la naissance demeurera constitutive des mythes principaux dans nos sociétés occidentales actuelles - celles auxquelles se dédie la mythanalyse - , tant elle a été fusionnelle et originelle de la conscience fœtale et post-accouchement. C'est pourquoi nous continuerons à nous référer au carré parental comme structure élémentaire, dont le pentagone n'est qu'une évolution plus tardive.
Bien entendu, l'Autre va jouer un rôle de plus en plus important dans le développement de la conscience du nouveau-né au sein du carré parental moderne de la famille conjugale. Mais nous ne pouvons oublier l'évolution socio-historique antérieure de cette structure familiale élémentaire de l'organisation sociale. La famille conjugale basée sur un couple individualisé père-mère a succédé  à celui de la famille indivise, telle qu'on la trouvait dans des sociétés antérieures, notamment tribales, claniques, beaucoup plus collectives, où le nouveau-né était confié aux femmes ou bien dans des sociétés matriarcales où l'oncle maternel avait plus d'autorité sur le nouveau-né que le père biologique. Toutes sortes de déclinaisons de cette organisation familiale/sociale ont pu se rencontrer, comme on l'observe aussi chez d'autres espèces. Chez les loups, par exemple, tout repose sur la meute. Malgré la fidélité indéfectible du couple, la meute domine toute conscience individuelle. Elle est soumise hiérarchiquement à un couple alpha dominant, aidé par un loup bêta; l'élevage des petits est organisé collectivement. Il en est tout autrement chez les fourmis ou les abeilles, ou a fortiori chez les poissons.
Il convient donc d'insister sur cette dimension sociale de la naissance. La fabulation du monde extérieur chez le nouveau-né humain se fondera sur les acteurs principaux du carré parental, qui peut donner un rôle dominant à la mère, ou au père ou à un oncle, ou à des frères ou sœurs (notamment dans le cas de jumeaux), ou au groupe, à une figure bienveillante ou hostile. Il en résultera des configurations mythiques variables, animistes, polythéistes ou monothéistes. Dans le cas de configurations polythéistes, le nombre de dieux peut se multiplier à raison des manifestations de l'environnement naturel (par exemple en Grèce la mer, les tempêtes, les montagnes, la foudre d'orages violents), dans d'autres environnements les arbres, les rivières, la pluie ou la sécheresse, et bien sûr les animaux qu'on craint, qu'on chasse, qu'on respecte. Les structures dominantes de la nature elle-même font partie de l'Autre, et peuvent être identifiées à l'harmonie ou à des menaces, au chaos ou au paradis terrestre, à la vie maritime, nomade ou sédentaire, etc.
Toutes ces variantes expliquent la sociogénèse très variable historiquement et socialement des configurations mythiques de chaque société dominante et se redécliner diversement dans les sociétés dominées, conquises, colonisées ou multiculturelles.
Ainsi, l'Olympe grec, tel que nous le présente Homère, diffère beaucoup de la mythologie égyptienne ou inca. Et aujourd'hui nous n'aurons pas en Chine les mêmes fabulations mythiques qu'en Bretagne ou en Afrique.
C'est en raison de ces variations de la sociogénèse mythique, que nous avons toujours rejeté les notions d'invariants de l'imaginaire social, tels que Gustav Jung avec ses archétypes, ou Claude Lévi-Strauss avec sa mathématique sociale ont voulu nous les imposer. Ils raisonnaient de façon trop enthnocenttrique. Certes, dans l'espèce humaine, nous naissons tous d'un père et d'une mère, encore que ces invariants puissent varier avec les décès et avec la fécondation artificielle, ou avec l'adoption d'enfants dans des communes hippies, de sectes, ou dans des familles homosexuelles,. Et dans tous les cas, c'est tout autant l'interprétation idéologique de ces invariants (l'Autre) que la biologie elle-même, qui déterminent leur mode fabulatoire.

La structure élémentaire de la mythanalyse: du carré au pentagone parental, le pp




- (I) -


Voici la structure élémentaire du carré parental, telle que je l'ai établie jusqu'à présent dans les fondements de la mythanalyse (notamment dans La société sur le divan - Eléments de mythanalyse (vlb, Montréal, 2006)  (I).
 Plusieurs pensent, comme Gérard Mendel ou Jean Piaget qu'au début le nouveau-né différencie mal son propre corps du monde qui l'entoure - que j'ai appelé le nouveau-monde, pour souligner que c'est le monde qui naît à l'enfant et non l'enfant qui vient au monde (point de vue  des adultes, mais qui ne correspond certainement pas à l'expérience et à la conscience qu'en a l'enfant accouché). Dans ce cas, il faudrait modifier le schéma que j'en ai proposé et l'établir comme suit:



- (II) -


Cette nouvelle interprétation est évidemment hypothétique, mais je la considère comme vraisemblable, compte tenu de la confusion des sensations que le nouveau-né ressent probablement. En outre, il demeure sans doute dans une même conscience fusionnelle de son corps fœtal avec la corps de la mère, auquel se substitue maintenant le monde extérieur. Il lui faut sans doute du temps pour percevoir la différence et en organiser sa conscience. En outre, les synapses de son cerveau sont encore peu développés et extrêmement plastiques. Voilà beaucoup de sans doute et de peut-être, mais nous tendons à accepter cette thèse et donc à penser que le quatrième acteur de ce carré parental commence par être "le nouveau-né/monde", avant de se séparer en deux corps et de donner naissance à un sixième acteur, qui prend figure de "corps autre" ou monde extérieur. Nous avons alors un pentagone parental, que nous appellerons pour simplifier le pp :


           - (III) : le pp -

Ces trois schémas correspondent au développement progressif ou genèse de la conscience fabulatoire du nouveau-né. Dans un prochain texte, nous allons aborder les variations dues à la sociogenèse (je reprends là le concept de Gérard Mendel). 

dimanche, mars 02, 2014

C'est le lien qui compte. Vivre pour soi seul n'a aucun sens



Il y a bien des jours où je crois que penser, chercher, dialoguer, n'est une nécessité que pour soi-même et publier qu'une vanité illusoire de la plus grande inutilité. Une misère. Et comment pourrait-il en être autrement? Une peine perdue.
Il faut en tirer sagesse et en recentrer sur soi seul le bénéfice quotidien, se changer soi-même sans prétendre changer le monde.
Et je me reprends aussitôt. Car cette résignation disparaît dès que je suis confronté au scandale. Seuls l'amour et le scandale motivent et donnent sens à l'action. Et je l'affirme alors: c'st le lien qui compte. Vivre pour soi seul n'a aucun sens.