Il ne faut pas situer confusément l'origine des mythes dans un passé archaïque, primitif de l'humanité, dans un premier moment obscur de l'hominisation, mais dans le carré parental du nouveqau-né.
Lorsque le nouveau-né émerge d'un accouchement qui est douloureux pour la mère, mais une terrible épreuve aussi pour lui, et que le cordon ombilical est coupé, il se trouve désemparé et effroyablement vulnérable dans une toute nouvelle situation,comme un mollusque chassé de sa coquille ou une tortue arrachée de sa carapace. Il a quitté une union fusionnelle et protégée avec sa mère, éprouvé la souffrance de l'accouchement, qu'il peut avoir ressenti comme une phase de chaos après la période fœtale paisible, et il est propulsé en criant dans un environnement qui remplit brutalement d'air ses poumons. A travers ses paupières il perçoit la lumière, bientôt aveuglante lorsqu'il ouvrira les yeux et il entend les bruits soudainement retentissants d'un nouveau-monde qui naît à lui et/ou avec lequel son corps fusionne comme il l'avait fait précédemment avec l'utérus maternel.
Ce monde qui vient à lui, et dont il va progressivement se différencier lui sera bientôt totalement étranger - étrange - et il tentera de préciser ses sensations nouvelles selon ses désirs et ses anxiétés. Il interprétera selon ses satisfactions et ses peurs cette étrangeté sur laquelle il fabulera.
Cette lumière du nouveau-monde émergeant, il l'identifiera à la création originelle du monde, à un dieu créateur qui succède aux ténèbres de la vie fœtale et au chaos de l'accouchement.
Puis il prendra conscience des acteurs déterminants de sa vie, la mère, le père, l'amour, les frustrations, les rituels et les contraintes de l'autre (la société de ses parents), les attentes, les caresses, les plaisirs (Éros) et les douleurs et les peurs (Thanatos), mais aussi les attentes, les impatiences frustrantes dans sa totale dépendance et impuissance, d'où naîtra en réaction son désir durable de puissance (Prométhée).
Sur la scène de la naissance il voit donc apparaître les acteurs biologiques et sociaux de la naissance du monde : la lumière créatrice, les imagos de la mère et du père, qui interagissent diversement selon la dynamique du carré parental et les déterminants de la sociogenèse. Lorsque l'enfant paraît, c'est chaque fois un monde nouveau qui naît à lui.
Toutes ces sensations, interprétations et inévitables fabulations de la part de celui qui ne sait rien et est in-fans vont formater les circuits synaptiques de son cerveau, ses émotions, sa conception de la félicité et de la souffrance, et vont s'inscrire en lui comme des sensations,des affects, une logique qui détermineront pour longtemps, sinon pour toujours son inconscient. Constitués dans le processus de la naissance, tous ces éléments demeureront comme des référents innés dans son psychisme - ce qui vient avec la naissance - et que nous appelons les mythes, avec leur charge émotive et la résonance qu'ils ont entre les inconscients individuel et l'inconscient collectif, du fait de l'influence de l'autre (sociogenèse) .
Bien sûr, l'adulte prend de grands risques à imaginer cette description, car nous perdons tous la mémoire de ces premières sensations - elles ont sédimenté dans notre inconscient - aussi vraisemblables qu'elles puissent être. Mais ce rend ce récit crédible, c'est qu'il se retrouve, avec quelques variantes, mais fondamentalement le même dans nos mythes.
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