tout ce qui est réel est fabulatoire, tout ce qui est fabulatoire est réel, mais il faut savoir choisir ses fabulations et éviter les hallucinations.

lundi, mars 03, 2014

La dynamique fabulatoire du carré parental






Nous proposons des schémas géométriques et donc rigides du carré parental, que nous proposons comme matrice fabulatoire originelle de notre interprétation du monde dans notre construction théorique de la mythanalyse.
Cette étape théorique étant clarifiée, il est temps d'en venir à une vision plus adéquate de ce que nous appellons les variations dynamiques du carré parental. Nous serons tous prêts à admettre, je le pense, que les grands acteurs de cette structure élémentaire, le nouveau-né, le père, la mère, le nouveau monde, l'Autre ont une influence variable d'une famille à une autre, d'une société à une autre, d'un environnement extérieur à un autre. Tantôt la mère est très présente, tantôt absente; elle allaite ou non le nouveau-né.  Le père domine ou s'efface, est autoritaire, voire violent, ou tendre. Il arrive que le couple parental soit fusionnel, très proche ou distendu, voire conflictuel. Il arrive que le nouveau-né ait un frère ou une sœur jumelle, qu'il soit fils unique ou l'aîné ou le cinquième d'une famille nombreuse. Et il arrive désormais qu'un enfant naisse dans une famille homosexuelle de deux femmes, ou soit adopté par un couple gai. Il faut mentionner aussi le cas des communes et des sectes. L'environnement - le nouveau-monde - joue aussi un rôle majeur, selon qu'il est protégé ou agressif. Des événements particuliers peuvent se produire, qui seront marquants.
La dynamique du carré parental est simple ou complexe, harmonieuse et protectrice, effacée, ou dramatique, voire traumatisante. Elle dégage une ambiance d'amour, de profusion, d'austérité, de pauvreté ou d'hostilité - pensez à un enfant qui naît dans un camp de réfugiés syriens aujourd'hui! Au-delà des variations socioculturelles de la fabulation mythique, nous voyons émerger dans cette problématique les variations biographiques et donc le rôle possible de la psychanalyse de cette gestation socio-individuelle. Chaque individu a sa biographique spécifique au sein d'un environnement mythique propre à la société où il naît.
Le carré parental doit être interprété comme flexible, non linéaire. Il relève de la pensée en arabesque de toute configuration, susceptible de connaître de grandes variations, selon des proximités ou des cassures. Et le nouveau-né y a ses réactions spécifiques, déterminantes de sa psyché individuelle au sein des imaginaires sociaux.
On le voit, la mythanalyse , telle que nous la concevons, ne consiste pas à rajouter des acteurs imaginaires, structurels, archétypaux, narcissiques ou ex-machina, voire à inventer des explications fabulatoires qui seraient des clés d'explications, y compris en invoquant des dieux de l'Olympe ou des figures tectoniques mayas dans nos tentatives d'interprétations mythiques, comme on le fait trop souvent. La mythanalyse vise plus simplement à être réaliste, c'est-à-dire biologique et sociologique. Et c'est d'une complexité amplement suffisante pour occuper l'esprit du mythanalyste! C'est à ce prix qu'elle peut déchiffrer ce qui est réel et non pas tomber dans la tentation des fioritures littéraires imaginaires. La mythanalyse est une théorie-fiction, celle que nous pensons avec notre pensée métaphorique, mais cela ne l'autorise pas à devenir elle-même fabulatoire et à en rajouter dans un style romanesque. Je regrette de le dire de façon triviale: elle doit s'efforcer d'être réductrice pour être opératoire et efficace. Elle exige d'être une théorie, donc une théorie cohérente et non pas un foisonnement d'élucubrations diverses et contradictoires. C'est la condition sine qua non d'existence de toute théorie. Et il devient alors possible de la développer, de la modifier au fur et à mesure que l'on rencontre des objections ou des questions nouvelles. Et même de la renier, pour lui substituer une théorie plus opératoire, comme il arrive dans les sciences exactes comme dans les sciences humaines. Mais on ne progresse pas, quel que soit le domaine d'élucidation, sans rechercher la cohérence de la théorie que l'on construit. Cette recherche d'unité fait partie du domaine de la mythanalyse. On la retrouve dans le mythe de l'unité, dans la théologie monothéiste, dans le lien mère-nouveau-né qu'explore la mythanalyse. C'est en ce sens que je dis que la mythanalyse est elle-même une théorie-fiction. Cela ne lui enlève pas sa légitimité, ni son pouvoir opératoire, aussi longtemps qu'on l'admet et même qu'on le déclare publiquement. Il ne peut en être autrement de la pensée humaine. Mais il faut apprendre à penser, et à choisir entre deux théories, entre deux mythe, celui qui vaut mieux que l'autre. C'est souvent l'utilité opératoire qui en décide, mais ce peut-être aussi une nostalgie du carré parental. Le relativisme qu'il faut admettre dans la mythanalyse est la condition de son développement lucide.

Sociogenèse du carré parental: les variations de l'Autre







Nous avons mentionné l'évolution du carré parental qui devient un pentagone au fur et à mesure que le nouveau-né prend conscience de lui-même en se séparant du nouveau-monde qu'il confondait avec lui-même depuis sa naissance. Il est clair aussi que ce pentagone va se complexifier et exploser lors de l'apparition de nouveaux acteurs dans le carré parental (frères et sœurs, proches parents, étrangers, événements marquants, etc.). Mais cette structure élémentaire du carré parental de la naissance demeurera constitutive des mythes principaux dans nos sociétés occidentales actuelles - celles auxquelles se dédie la mythanalyse - , tant elle a été fusionnelle et originelle de la conscience fœtale et post-accouchement. C'est pourquoi nous continuerons à nous référer au carré parental comme structure élémentaire, dont le pentagone n'est qu'une évolution plus tardive.
Bien entendu, l'Autre va jouer un rôle de plus en plus important dans le développement de la conscience du nouveau-né au sein du carré parental moderne de la famille conjugale. Mais nous ne pouvons oublier l'évolution socio-historique antérieure de cette structure familiale élémentaire de l'organisation sociale. La famille conjugale basée sur un couple individualisé père-mère a succédé  à celui de la famille indivise, telle qu'on la trouvait dans des sociétés antérieures, notamment tribales, claniques, beaucoup plus collectives, où le nouveau-né était confié aux femmes ou bien dans des sociétés matriarcales où l'oncle maternel avait plus d'autorité sur le nouveau-né que le père biologique. Toutes sortes de déclinaisons de cette organisation familiale/sociale ont pu se rencontrer, comme on l'observe aussi chez d'autres espèces. Chez les loups, par exemple, tout repose sur la meute. Malgré la fidélité indéfectible du couple, la meute domine toute conscience individuelle. Elle est soumise hiérarchiquement à un couple alpha dominant, aidé par un loup bêta; l'élevage des petits est organisé collectivement. Il en est tout autrement chez les fourmis ou les abeilles, ou a fortiori chez les poissons.
Il convient donc d'insister sur cette dimension sociale de la naissance. La fabulation du monde extérieur chez le nouveau-né humain se fondera sur les acteurs principaux du carré parental, qui peut donner un rôle dominant à la mère, ou au père ou à un oncle, ou à des frères ou sœurs (notamment dans le cas de jumeaux), ou au groupe, à une figure bienveillante ou hostile. Il en résultera des configurations mythiques variables, animistes, polythéistes ou monothéistes. Dans le cas de configurations polythéistes, le nombre de dieux peut se multiplier à raison des manifestations de l'environnement naturel (par exemple en Grèce la mer, les tempêtes, les montagnes, la foudre d'orages violents), dans d'autres environnements les arbres, les rivières, la pluie ou la sécheresse, et bien sûr les animaux qu'on craint, qu'on chasse, qu'on respecte. Les structures dominantes de la nature elle-même font partie de l'Autre, et peuvent être identifiées à l'harmonie ou à des menaces, au chaos ou au paradis terrestre, à la vie maritime, nomade ou sédentaire, etc.
Toutes ces variantes expliquent la sociogénèse très variable historiquement et socialement des configurations mythiques de chaque société dominante et se redécliner diversement dans les sociétés dominées, conquises, colonisées ou multiculturelles.
Ainsi, l'Olympe grec, tel que nous le présente Homère, diffère beaucoup de la mythologie égyptienne ou inca. Et aujourd'hui nous n'aurons pas en Chine les mêmes fabulations mythiques qu'en Bretagne ou en Afrique.
C'est en raison de ces variations de la sociogénèse mythique, que nous avons toujours rejeté les notions d'invariants de l'imaginaire social, tels que Gustav Jung avec ses archétypes, ou Claude Lévi-Strauss avec sa mathématique sociale ont voulu nous les imposer. Ils raisonnaient de façon trop enthnocenttrique. Certes, dans l'espèce humaine, nous naissons tous d'un père et d'une mère, encore que ces invariants puissent varier avec les décès et avec la fécondation artificielle, ou avec l'adoption d'enfants dans des communes hippies, de sectes, ou dans des familles homosexuelles,. Et dans tous les cas, c'est tout autant l'interprétation idéologique de ces invariants (l'Autre) que la biologie elle-même, qui déterminent leur mode fabulatoire.

La structure élémentaire de la mythanalyse: du carré au pentagone parental, le pp




- (I) -


Voici la structure élémentaire du carré parental, telle que je l'ai établie jusqu'à présent dans les fondements de la mythanalyse (notamment dans La société sur le divan - Eléments de mythanalyse (vlb, Montréal, 2006)  (I).
 Plusieurs pensent, comme Gérard Mendel ou Jean Piaget qu'au début le nouveau-né différencie mal son propre corps du monde qui l'entoure - que j'ai appelé le nouveau-monde, pour souligner que c'est le monde qui naît à l'enfant et non l'enfant qui vient au monde (point de vue  des adultes, mais qui ne correspond certainement pas à l'expérience et à la conscience qu'en a l'enfant accouché). Dans ce cas, il faudrait modifier le schéma que j'en ai proposé et l'établir comme suit:



- (II) -


Cette nouvelle interprétation est évidemment hypothétique, mais je la considère comme vraisemblable, compte tenu de la confusion des sensations que le nouveau-né ressent probablement. En outre, il demeure sans doute dans une même conscience fusionnelle de son corps fœtal avec la corps de la mère, auquel se substitue maintenant le monde extérieur. Il lui faut sans doute du temps pour percevoir la différence et en organiser sa conscience. En outre, les synapses de son cerveau sont encore peu développés et extrêmement plastiques. Voilà beaucoup de sans doute et de peut-être, mais nous tendons à accepter cette thèse et donc à penser que le quatrième acteur de ce carré parental commence par être "le nouveau-né/monde", avant de se séparer en deux corps et de donner naissance à un sixième acteur, qui prend figure de "corps autre" ou monde extérieur. Nous avons alors un pentagone parental, que nous appellerons pour simplifier le pp :


           - (III) : le pp -

Ces trois schémas correspondent au développement progressif ou genèse de la conscience fabulatoire du nouveau-né. Dans un prochain texte, nous allons aborder les variations dues à la sociogenèse (je reprends là le concept de Gérard Mendel).