tout ce qui est réel est fabulatoire, tout ce qui est fabulatoire est réel, mais il faut savoir choisir ses fabulations et éviter les hallucinations.

jeudi, août 13, 2020

Martina Kainz, « Globale Vernetzung – globale Identität“ (en français)



Dans le livre « Globale Vernetzung – globale Identität“ , sous-titré Kulturelle Identitätskonstruktionen im Zeitalter digitaler Technologien, que vient de publier l’intellectuelle autrichienne Martina Kainz, experte fin analyse des nouveaux médias, nous découvrons un panorama géopolitique et géoculturel très riche et significatif de l’évolution de la construction réaliste, mais aussi imaginaire de nos identités culturelles, sociales et politiques sous 'influence des technologies numériques.
Ce livre fonde ses analyses sur une connaissance solide d’auteurs fondamentaux comme Norbert Elias, penseur du processus civilisationnel, Michel Foucault penseur du bio-politique, Jean Baudrillard, penseur du catastrophisme postmoderne, d’Erving Goffman, psychanalyste de l’image sociale du soi, de Jürgen Habermas, philosophe des rapports entre technologie, communication sociale et éthique, d’Hartmut Rosa, penseur de l’accélération du temps social, d’Heinrich Badura, sociologue de nos sociétés virtuelles, mais aussi de Hans Hahn, ethnologue, et de beaucoup d’autres penseurs de langue allemande, que son livre donne à un francophone envie de lire. La réflexion est très solide dans le détail, tout en gardant une vue synthétique d’ensemble qui situe chaque aspect de notre nouvelle identité numérique dans son contexte socio-politique modifié par la puissance nouvelle des réseaux sociaux. 
Après avoir situé dans un premier chapitre sa recherche dans le passage de l'époque moderne à sa déconstruction postmoderne, elle aborde dès le deuxième chapitre, ce qui est remarquable, l'influence des mythes et utopies de l'âge du numérique sur notre nouvelle construction identitaire. Et j'ai le plaisir d'y découvrir des références significatives à mon livre "La pensée magique du Net", que j'ai publié en français  aux éditions François Bourrin en 2017, qu'elle traduit du français en allemand.
C'est à ce chapitre qu'on me permettra de me référer principalement dans ce compte rendu. Elle y aborde successivement les utopies politiques nouvelles, les utopies scientifiques telles que le transhumanisme, et le posthumanisme, dont j'ai moi-même sévèrement critiqué l'intégrisme numérique toxique depuis une vingtaine d'années dans des articles et conférences, et plus récemment dans mon livre "L'Âge hyperhumaniste - pour une éthique planétaire (éditions de l'Aube, 2019), la pensée apocalyptique postmoderne, la création narcissique du moi numérique et ses déclinaisons sociales incluant ses fantasmes et ses dérives dans l'"anonymat", ses variations de genre, ses créations de récits dans les blogs et sur les réseaux sociaux, incluant jusqu'à ses diverses pathologies, mé-usages et dysfonctions. Le tableau est assez complet (une cinquantaine de pages appuyées sur des références d'experts, de sociologues comme Pierre Bourdieu, Foucault bien sûr, le Nicola Döring de "Sozialpsychologie des Internet", entre autres, et des études de cas.
Après un troisième chapitre consacré à une approche culturelle de la la construction de cette nouvelle identité, qui a émergé très rapidement,  en une génération,  elle aborde sans peur dans son quatrième chapitre les problématiques post-coloniales de la construction de l'identité en Afrique de l'Ouest sous l'influence de l'internet, d'usages créatifs du smartphone, notamment au Bénin.
Son cinquième chapitre est consacré à l'évolution de l'identité politique. Elle y présente d'excellentes analyses du "Printemps arabe", de l'usage de l'Internet pour le contrôle politique de la liberté d'expression dans las pays sous autoritarisme de l'intégrisme islamique, de l'expertise numérique rapidement développée par les groupes terroristes, notamment jihadistes. 
Comme on le voit, ce livre offre un panorama historique, géopolitique et multidisciplinaire large et solide de la mutation identitaire qui s'est accomplie sous nos yeux en une vingtaine d'années clés de notre aventure humaine et de la divergence anthropologique qu'a constitué l'émerge à la fois soudaine, douce et puissante d'une technologie aussi basique que le code binaire 1/0 et aussi radicale dans sa complexité extensive et inclusive.
Et le livre se clôt avec les points forts du livre, apports et conclusions ouvertes les plus significatives, où j'ai à nouveau le plaisir de voir soulignée mes propres recherches de mythanalyse, malheureusement encore indisponibles en langue allemande, la langue de Freud et de Jung, dans laquelle j’espère pouvoir partager le plus tôt possible la théorie de la mythanalyse que je construis. 

Voilà, donc un livre d'une brulante activité, d'une remarquable expertise, d'une incontestable qualité et profondeur d'analyse, un incontournable, qu'il faut absolument lire, tant du point de vue des sciences humaines, que de la compréhension de nos mutations fondamentales pour nos gouvernements, souvent déstabilisés et impuissants face à la puissance et à la rapidité de notre mutation socio-technologique

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