Le sacré n'existe pas, si ce n'est comme aliénation de l'Homme, comme désir d'adoration fantasmatique, exaltation hypostasique (du grec: se placer dessous) qui annihile l'autonomie et la grandeur que l'homme devrait rechercher en son propre nom, dans les limites de sa condition humaine au coeur de la nature.
J'ai les oreilles fatiguées d'entendre célébrer avec emphase le caractère sacré du mythe (Roger Caillois, Michel Leiris et tant d'autres qui en discutent scolastiquement les attributs en prêtres théologiens), comme si cela nous révélait les dieux et nous grandissait à leur contact. Ces anthropologues du sacré, ces prêtres grandiloquents des mythes ne sont plus de mise. Leur temps est passé. Il faut seulement leur souhaiter d'avoir été à leur tour de grands écrivains qui ont fait vivre des mythes, pour qu'ils survivent à leur admiration des mythologies. Les mythes existent, tout notre rapport au monde est mythique, ils sont fascinants parce qu'ils nous parlent de notre manque d'être, mais il ne faut pas les prendre pour des réalités supérieures, des récits des dieux dictés à leurs prophètes. Il n'y a pas d'eau dans le mirage qui apparaît sur la dune dans la chaleur vibrante, mais seulement dans l'oued, ici bas.
Le mythe est un récit humain imaginaire qui sacralise, mais son contenu n'est pas sacré. Il met en scène les figures et le récit auquel on attribue l'origine de la vie, du groupe social, ou par lequel on survalorise des figures symboliques inventées de la création, de la nature, de la mort, de la puissance, de l'amour, du narcissisme, de la libido, qui valent mieux par et pour elles-mêmes, dans leur incarnation humaine, ou dans leur réalité physique, qu'en images, rituels, symboles imaginaires et aliénants. L'amour, c'est plus que Venus. Venus est une figure imaginaire admirable, mais qu'i ne faut pas adorer. Elle a été créée par un grand poète, elle est devenue une représentation anthropomorphique de l'amour dont on a fait une figure convenue. C'est la création du peintre, du poète, du sculpteur qu'il faut admirer dans ses représentations, plutôt qu'un mirage mythique. C'est la vibration intime de l'amour qu'il faut cultiver, plutôt que son image pieuse.
La mythanalyse nous invite à prendre conscience de cette évidence que le sacré n'est qu'une mystification et que c'est l'homme ou la nature ou un sentiment qui méritent notre fascination humaine : ils sont beaucoup plus extraordinaires que les récits et les figures qu'on en crée. Un récit mythique n'est pas admirable parce qu'on le croit sacré, mais parce qu'il met en scène le désir humain du merveilleux et le talent humain de son auteur, c'est croire en l'Homme, plutôt que dans l'illusion du sacré.
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