Pascal Quignard
Il faut
lire Pascal Quignard, et en particulier les livres successifs de son œuvre Dernier royaume. Le plus
récent, Mourir de penser,
qui est paru en 2014, toujours chez Grasset, rejoint beaucoup des
considérations que je développe en mythanalyse sur les étapes de la fabulation
chez celui qui ne parle pas, l'infans, dans les stades successifs fœtal,
chaotique, etc..
Dans Mourir de penser, il écrit: «Le premier cri s'élève dans l'abandon du corps hôte. Tout ce qu'on dit en poussant son souffle est d'abord un adieu. Aussi tout ce qu'on pourra dire dans la langue qu'on apprendra dans la lumières signifiera-t-il d'abord cet adieu à un royaume antérieur, sonore mais non parlant, interne, replié, secret, non lumineux, solitaire. Chromos dévore aussitôt ceux qu'il engendre dès l'instant où ils sont expulsés dans la lumière... » Est-ce pour cela qu'il est passé lui-même par de longues et fréquentes périodes de mutisme? Par nostalgie du stade fœtal auquel la naissance l'a arraché? Est-ce pour cela qu'enfant il s'est enveloppé dans son propre corps, souffrant d'obésité?
Contrairement à ceux que j'appelle les «textuellistes» et autres «grammatologues» qui affirment que tout est langage, qu'on ne peut penser sans langage, comme Derrida, Guignard affirme l'antériorité de la conscience vitale: « Dire que nous sommes des êtres de langage, comme le fait la société, est profondément faux. […] Nous ne sommes pas des êtres parlants, nous le devenons. Le langage est un acquis précaire, qui n'est ni à l'origine ni même à la fin car souvent la parole erre et se perd avant même que la vie cesse. » C'est là une observation fondamentale, que je partage avec Pascal Quignard, et qui relégitime en partie la psychanalyse des profondeurs, certes confuse, par rapport à celle du langage et de sa surface sociale qu'a conçue Lacan, influencé par une époque où la linguistique structuraliste nous a imposé ses excès pervers. Il faut revenir au biologique, et à sa conscience fabulatoire, irrationnelle mais génitrice, qu'on a trop refoulé dans des efforts rationalistes modernistes des années 1960-90.
Dans Mourir de penser, il écrit: «Le premier cri s'élève dans l'abandon du corps hôte. Tout ce qu'on dit en poussant son souffle est d'abord un adieu. Aussi tout ce qu'on pourra dire dans la langue qu'on apprendra dans la lumières signifiera-t-il d'abord cet adieu à un royaume antérieur, sonore mais non parlant, interne, replié, secret, non lumineux, solitaire. Chromos dévore aussitôt ceux qu'il engendre dès l'instant où ils sont expulsés dans la lumière... » Est-ce pour cela qu'il est passé lui-même par de longues et fréquentes périodes de mutisme? Par nostalgie du stade fœtal auquel la naissance l'a arraché? Est-ce pour cela qu'enfant il s'est enveloppé dans son propre corps, souffrant d'obésité?
Contrairement à ceux que j'appelle les «textuellistes» et autres «grammatologues» qui affirment que tout est langage, qu'on ne peut penser sans langage, comme Derrida, Guignard affirme l'antériorité de la conscience vitale: « Dire que nous sommes des êtres de langage, comme le fait la société, est profondément faux. […] Nous ne sommes pas des êtres parlants, nous le devenons. Le langage est un acquis précaire, qui n'est ni à l'origine ni même à la fin car souvent la parole erre et se perd avant même que la vie cesse. » C'est là une observation fondamentale, que je partage avec Pascal Quignard, et qui relégitime en partie la psychanalyse des profondeurs, certes confuse, par rapport à celle du langage et de sa surface sociale qu'a conçue Lacan, influencé par une époque où la linguistique structuraliste nous a imposé ses excès pervers. Il faut revenir au biologique, et à sa conscience fabulatoire, irrationnelle mais génitrice, qu'on a trop refoulé dans des efforts rationalistes modernistes des années 1960-90.
A partir de la chute dans le monde désordonné et cruel de la
lumière - j'insiste sur les mots -, que j'appelle le stade chaotique, l'infans tentera de formuler
avec des mots qui ne sont jamais que des métaphores hésitantes et
confuses une interprétation du monde qui naît à lui. «je retrouve ici aussi Pascal Quignard, avec cette « tentative de
pensée (...) du regard animal et vital sur n'importe quelle anomalie qui
désordonne le champ».
Il a l’intuition que c’est le monde qui
naît à l’enfant et non l’inverse que décrit la formule courante, lorsqu’il dit
du langage qu’il tente «d’engendrer en détail le naissant sans fin».
Pascal Quignard a manifestement tiré de
son expérience vitale traumatisante d’infans, toutes ces intuitions si justes et
pourtant rares qui inspirent sa méditation philosophique et son écriture
romanesque. Et il recherche dans la naissance de la philosophie grecque – et du
monde qui est apparu avec elle – des points communs avec sa propre expérience
vitale, préconceptuelle qui lui permet de redécouvrir dans les mots les images la naissance du monde. Cette naissance qui est l'origine des mythes
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