Après l’âge du feu, voici
venir l’âge du numérique, dont la nouveauté radicale, puis l’accélération exponentielle
ont été stupéfiants. Médias, technoscience, structures sociales, politique,
économie, finances, écologie, biologie, éducation,
médecine, culture : rien n’échappe, tant à l’échelle mondiale que dans le
détail de nos vies individuelles, au Choc
du numérique (édition vlb, 2001). Avec
le tournant du millénaire, le monde réel semble avoir basculé dans le virtuel.
L’économie imaginaire a entraîné l’économie réelle avec elle dans une crise
mondiale dévastatrice. La bioinformatique déchiffre et manipule audacieusement nos
gênes. L’astrophysique n’affiche plus sur nos écrans que des fichiers
numériques en fausses couleurs, mais explore les confins de notre galaxie et découvre
la lumière du big bang. La mécanique quantique et les nanotechnologies sont devenues
fabulatoires. Les nouvelles générations s’évadent dans les médias sociaux avec
le sentiment d’y accéder à une existence plus supérieure que ce qu’on appelle
encore la réalité.
Cette
opposition entre le monde d’ici-bas que nous dévalorisons une fois de plus et celui d’en haut que nous survalorisons plus
que jamais nous replonge dans le mouvement de balance cyclique de nos
interprétations de l’univers. Dans un premier temps, qu’on a appelé
« primitif », le monde animiste était d’une seule pièce. Les hommes
faisaient partie de la nature dont ils célébraient les esprits. Puis cette
unité a été déchirée par Platon, qui nous voyait ici-bas dans la pénombre d’une
caverne, enchaînés par des simulacres et des ombres trompeuses, sans pouvoir
nous retourner vers la pure lumière de la vraie réalité qui resplendissait là-haut,
dans le ciel des idées, et que seul le sage voyait. Le christianisme a renforcé
cette opposition, qualifiant de vallée des douleurs et de péché la Terre
d’ici-bas et glorifiant la lumière pure et l’infinie sagesse et connaissance de
Dieu pour nous inviter à sacrifier nos vies terrestres et mériter le ciel.
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