Gina Pane et Michel Journiac s'accordaient à souligner la dimension sociologique de l'art corporel, dont ils ont été les principaux représentants en France dans les années 1970. Il est vrai que François Pluchart, critique d'art engagé personnellement dans l'art corporel et fondateur du magazine ARTITUDES tendait à penser de même. Il a d'ailleurs soutenu avec beaucoup de détermination l'art sociologique. Nous voici donc ici, en 1974, chez lui à Saint-Jeannet, où il nous avait réunis pour débattre des liens que nous pourrions développer entre nos deux mouvements. J'étais très ouvert à l'idée. Cependant nous nous sommes rapprochés, souvent rencontrés, mais sans fusionner, préférant notre liberté d'action aux stratégies de pouvoir du micro milieu.
Il demeure que Gina Pane et Michel Journiac, à la différence de beaucoup d'autres artistes de l'art corporel aux Etats-Unis et en Europe, considéraient le corps comme un matériau social, intime et biographique, certes, mais surdéterminé par la culture et l'idéologie collectives. Et c'est pour cette raison qu'ils en firent aussi un matériau d'expression, dont nous pouvions partager socialement le langage, même selon ses inflexions les plus individualistes.
Le carré parental qui constitue la structure élémentaire de nos identités, est bâti sur les liens entre l'individu naissant, la mère, le père et l'autre - c'est-à-dire le langage social, comme l'a souligné Lacan. Art sociologique et art corporel étaient donc fondamentalement liés, encore plus liés que nous n'en avions conscience à l'époque. Et c'est pour cela, pour cette raison théorique, que je regrette aujourd'hui de n'avoir pas insisté pour nous rapprocher davantage. hf
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