Le mythe de la Tour Babel a été toujours négativement interprété par les exégètes chrétiens, alors que j'y découvre l'expression du désir de l'humanité de s'élever. Une aspiration vers Dieu, comme dans la construction des cathédrales, ou une aspiration de l'humanité à s'élever avec ses propres forces vers un stade supérieur de son évolution, vers plus de puissance et pourquoi pas aussi vers plus d'intelligence et de sagesse, compte tenu de cette sorte de topologie verticale de notre imaginaire entre le haut et le bas, le supérieur et l'inférieur.
Je l'ai déjà souligné souvent aussi, le mythe de la Tour de Babel est le premier mythe de la communication, fondateur de notre société de l'information et des médias sociaux.
Et nous sommes conduits à y associer le mythe grec de Sisyphe, ce roi puni lui aussi, par Zeus, qui chaque matin remet sa lourde
charge sur ses épaules pour remonter la montagne dont la pente le fera retomber chaque soir à son pied. Sisyphe symbolise lui aussi notre désir humain d'élévation. Sisyphe est celui qui tente chaque jour de porter plus haut sur ses épaules une lourde pierre de l'édifice dont nous sommes les bâtisseurs: l'humanité.
Les théories sont des histoires fictives de désir et de peur qui nous apaisent provisoirement. Les mythes sont des récits explicatifs des origines et des fins de l’humanité.
Le mythe de la Tour de Babel qui mettait en scène l’éclatement d’une humanité punie pour son ambition à s’élever, ne fonde-t-il pas aujourd’hui la richesse créatrice de sa diversité? N’est-il pas le plus contemporain des mythes, celui qui nous invite à édifier le futur ?
Et n’exige-t-il pas alors paradoxalement de tisser les liens d’une solidarité planétaire pour reprendre ensemble, comme autant de Sisyphe, la construction de cette tour porteuse de nos espoirs ?
Hervé Fischer
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